POURQUOI JE M'EN MÊLE ...

"NOUS SOMMES TOUS SOURDS QUAND CELA ARRANGE NOTRE BONHEUR. CELA REPOSE UN PEU DE NE PAS TOUT ENTENDRE" - Tahar Ben Jelloun

dimanche 23 août 2009

ATTENTAT DE LOCKERBIE : QUAND KHADAFI "BALANCE" !


Ca s’appelle « balancer » ou en langage plus diplomatique, l’art d’embarrasser un allié de circonstance qui ne demandait qu’à avoir la paix avec son opinion nationale. Mais l’auteur du coup n’est pas connu pour sa réserve, tant sa verve en a fait baver, de l’autre côté de l’Atlantique. Et pas seulement chez les Suisses. Mouammar Kadhafi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est tout, sauf homme à se formaliser du politiquement correct. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’en rate pas une pour acculer les démocraties occidentales, si promptes à donner les leçons aux despotes mal éclairés des républiques bananières et autres califats obscurantistes et corrompus jusqu’à la corde, chaque fois que la dure loi de la « realpolitik » leur fait dire que la justice et les droits de l'homme sont solubles dans les affaires.

Dernier épisode en date : après la libération de l'auteur de l'attentat de Lockerbie, le président des États-Unis Barack Obama a demandé que celui-ci soit assigné à résidence et qu'il ne soit pas accueilli en héros. Peine perdue. Al-Megrahi a atterri à 14 H30 (heure d’Ottawa) jeudi à l'aéroport de Tripoli à bord d'un avion spécialement affrété par la Jamahiriya arabe lybienne. Il est sorti de l'avion avec Seif Al-Islam, un des fils du dirigeant libyen, qui lui tenait la main. Des centaines de personnes ont agité des drapeaux libyens et écossais, alors que des haut-parleurs diffusaient l'hymne national. Pour rappel, le héros du jour n’est autre que l’homme qui a été condamné en 2001 à la prison à vie avec une peine de sûreté de 27 ans pour son implication dans l'explosion d'un avion de la Pan Am, le 21 décembre 1988, au-dessus du village écossais de Lockerbie, attentat qui avait tué 270 personnes. L’accueil à Tripoli de l’homme par qui arriva naguère l’ostracisme sur le régime du Guide libyen est une scène qualifiée de "profondément affligeante" par le ministre britannique des Affaires étrangères du Royaume-Uni David Miliband.


Outrée, la diplomatie de Sa Majesté ? La réponse du fils du colonel Kadhafi, Seïf Al-Islam, n’emprunte pas la moindre note de la bien connue langue de bois à laquelle on serait attendue en la circonstance : selon lui, la libération d'Al-Megrahi était au coeur des contrats commerciaux conclus avec la Grande-Bretagne. "Dans tous les contrats commerciaux, de pétrole et de gaz avec la Grande-Bretagne, (M. Al-Megrahi) était toujours sur la table des négociations", a-t-il lâché dans une interview diffusée vendredi soir sur la chaîne Al-Motawassit (La Méditerranée) dont il est le propriétaire et qui venait d’être lancée. Si les choses n’étaient pas encore claires, le Guide lui-même se charge d’enfoncer le clou en recevant officiellement Al-Megrahi, vendredi soir. Et le Chef de l’État libyen de saluer "le courage" et "l'indépendance" du gouvernement écossais. Dans la foulée, il a aussi pris soin de remercier, à la télévision nationale, son "ami" Gordon Brown, le gouvernement britannique, la reine d'Angleterre et son fils le prince Andrew, représentant spécial des intérêts économiques du Royaume-Uni, pour avoir contribué à la décision écossaise. Du coup, la polémique enfle en Grande-Bretagne, la presse évoquant samedi le "marchange d'arrière-boutique" et la "collusion" entre Londres et Edimbourg. C’est dire si Khadafi a jeté un pavé dans la mare britannique. Le gouvernement Brown a aussitôt démenti les affirmations libyennes, un porte-parole du Premier Ministre alléguant qu’"il n'y a aucun arrangement". Trop tard : l'opposition britannique, notamment conservatrice, demande des comptes à Gordon Brown sur le rôle de Londres dans la libération. Elle est d’ailleurs échaudée par le fait que le ministre britannique au Commerce Peter Mandelson a reconnu samedi sur la chaîne Sky News avoir rencontré à deux reprises cette année le fils du leader libyen, qui avait soulevé "la question de la libération de M. Megrahi". Celle-ci "est entièrement une décision du ministre de la Justice écossais", a-t-il toutefois réaffirmé.


De son côté, Megrahi n’a de cesse de réitérer son innocence, notamment dans un entretien au quotidien The Times publié samedi, parlant d’ « erreur judiciaire » dont il serait victime. Âgé de 57 ans, atteint d'un cancer de la prostate en phase terminale, ce qui justifie que la justice écossaise ait décidé de le remettre en liberté pour raisons de santé, causant du même coup l’ire des familles des victimes qui elles se sentent flouées. Un sentiment que les supputations sur les dessous des cartes de ce énième épisode de la longue saga de "l’affaire de Lockerbie" ne peuvent que renforcer. Pour le moment, le scénario se passe de façon on ne peut plus classique, chacun jouant le rôle écrit pour lui : le régime libyen, si honni et pourtant si courtisé y compris sous l’embargo officiel décrété par l’ONU des suites de cette même affaire, trouve l’occasion trop belle pour ne pas snober ceux avec qui il a selon toute vraisemblance pactisé. Histoire de leur faire payer toutes les humiliations d’hier et de prouver aux opinions publiques occidentales qu’ils ont beau chanter le credo des droits de l’homme dans les grandes tribunes illuminés de mille feux par les medias du Nord, leurs dirigeants sont prêts à manger dans la main de celui-là même qu’ils qualifient de Diable, pour quelques barils de pétrole. Pour quelques milliards de dollars. De Pékin à Tripoli, c’est la même évangile, mélange d’hypocrisie et de couardise. Quant au régime britannique, il se défend au mieux qu’il peut, car il n’est guère bien vu de manger publiquement avec le Diable. Au 10, Downing street, on aurait tellement aimé que ce dernier la ferme, mais Khadafi n’en fait jamais qu’à sa tête, il faut le prendre ou le rejeter tel quel. Alors, on avale les couleuvres, on serre les dents en espérant de ne pas y laisser trop de plumes. Et le Guide lui, sous sa tente royale, boit son thé à la santé de Megrhahi qui n’aurait plus que trois mois à vivre. C’est bien le côté très peu reluisant de la politique telle que je l’abhorre et qui, je ne le sais que trop bien hélas, est l’arrière-cour de toutes les belles démocraties. Belles de loin, mais loin d’être aussi belles. Et pourtant, l'homme n'a pas encore inventé meilleur rêve, meilleur idéal en matière de gouvernement, que la démocratie. Comment manquerais-je le courage de le reconnaître, bon gré mal gré ?

9 commentaires:

  1. Pour plagier Madame Roland qui en montant sur l’échafaud sous la révolution française s’écriait « liberté que de crimes on commet en ton nom » me vient à l’esprit la phrase suivante « realpolitik que de crimes l’on couvre en ton nom » qu’ajouter, tu as tout dit Blaise…

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  2. Ta citation est toute trouvée, Michèle. Et pour revenir à ladite polémique orchestrée par Khadafi, c'est au tour des Ecossais de se bouffer les nez. Qu'est-ce qu'il doit se frotter les mains, "notre" Roi de l'Or noir !

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  3. Effectivement la polémique ne cesse d’enfler en Ecosse à la suite de cette libération et le gouvernement régional écossais pourrait bien être renversé dès la semaine prochaine.

    «Des assurances avaient été données que le retour d'al-Megrahi serait traité de manière discrète et sensible», a dit Kenny MacAskill le ministre de la justice écossais qui a essayé de s’expliquer devant le Parlement écossais. Quelle naïveté !!

    C’est la première fois que ce gouvernement autonome né des lois votées sous Tony Blair se retrouve ainsi en première ligne sur la scène internationale, c’est bien pratique pour Gordon Brown le premier ministre britannique qui peut montrer son courroux devant l’accueil triomphal du prisonnier en Libye sans se sentir responsable !!

    Par ailleurs le colonel Kadhafi a fait le parallèle avec les infirmières et le médecin bulgares "accueillis en héros" en Bulgarie.
    "Pourquoi n'avons nous pas entendu de protestations suite à la grâce accordé à ces praticiens et pourquoi n'a-t-on pas dit que leur libération blesserait les sentiments des victimes? » a t-il ajouté !!

    No comment.

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  4. Le Président Kadhafi fête ce jour 1 er septembre ses 40 ans de pouvoir entouré de nombreux chefs d’Etat dont le soudanais Omar el Béchir poursuivi devant un tribunal international, lui qui ne sortait guère de son pays, depuis qu’il est poursuivi par la justice internationale et prêt à être arrêté à tout moment il est partout !!

    De grandes festivités sont prévues dont une évocation complète de l’histoire de la Libye de la Préhistoire sic à nos jours avec la part belle réservée à la prise de pouvoir par Kadhafi !

    Et pendant ce temps là trois successeurs possibles de Bongo à la Présidence du Gabon proclament leur victoire…

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  5. Hey Michèle !
    Grâce à Euronews et TV5 Monde, j'ai pu voir la grand-messe du Guide Lybien. On aurait dit que sa Cour a cherché à lui faire comprendre qu'il n'y a pas que dans l'Empire du Milieu qu'on sait en mettre plein les yeux au monde. Et puisque ce ne sont pas les petrodollars qui manquent...

    Chez "les cousins" Gabonais, c'est effectivement la Cour du Roi Pétaud ou alors ça y ressemble à s'y méprendre. Au fait, Albert Bourgi (que la presse française présente comme l'héritier spirituel de Jacques Foccart, Monsieur Françafrique), déclarait récemment dans une interview que le fils de son père (Ali Ben Bongo) serait "le meilleur défenseur des intérêts... de la France" dans cette course à la présidence. C'est dire si ce conseiller occulte et homme des missions tout aussi officieuses de l'Elysée en Afrique a du respect pour les citoyens de ce pays pourtant reputé souverain. La faute à qui ? Au de cujus qui aura regné en Serviteur de l'ancienne métropole et oublié qu'il était un mortel. J'ai peur qu'on ne se dirige vers le désormais bien connu schéma de la "république dynastique" à la congolaise, à la togolaise et bientôt à l'Égyptienne et à la lybienne, me souffle-t-on :(

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  6. Oui la référence à l’Empire du milieu qui « sait en mettre plein les yeux au monde » est parfaite.

    Moi quand j’ai lu que la rétrospective remonterait jusqu’à la Préhistoire, j’ai pensé aux fastes des cérémonies iraniennes/persanes de Persépolis tant reprochées au Shah d’Iran, je ne pense pas que la débauche de moyens soit équivalente et il y aura moins de têtes couronnées, mais le processus s’y apparente !

    Oui le Gabon s’orienterait vers une "république dynastique" c’était déjà bien compliqué de s’y retrouver dans les différentes sphères d’influence autour du fils de son père Ali et de la fille de son père Pascaline !!

    Quant à Robert Bourgi et son influence l’article qui suit du Monde est plus qu’éloquent !

    http://mobile.lemonde.fr/afrique/article/2009/08/29/robert-bourgi-veteran-de-la-francafrique_1233308_3212.html

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  7. Oui la référence à l’Empire du milieu qui « sait en mettre plein les yeux au monde » est parfaite.
    Moi quand j’ai lu que la rétrospective remonterait jusqu’à la Préhistoire, j’ai pensé aux fastes des cérémonies iraniennes/persanes de Persépolis tant reprochées au Shah d’Iran, je ne pense pas que la débauche de moyens soit équivalente et qu’il y aura moins de têtes couronnées, mais le processus s’y apparente !

    Oui le Gabon s’orienterait vers une "république dynastique" c’était déjà bien compliqué de s’y retrouver dans les différentes sphères d’influence autour du fils de son père Ali et de la fille de son père Pascaline !!

    Quant à Robert Bourgi et son influence l’article qui suit du Monde est plus qu’éloquent !

    http://mobile.lemonde.fr/afrique/article/2009/08/29/robert-bourgi-veteran-de-la-francafrique_1233308_3212.html

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  8. Gabon suite…

    Ali Bongo a été officiellement proclamé vainqueur des élections présidentielles avec un peu plus de 41 % des suffrages exprimés, pas de majorité absolue requise, c’est le candidat qui obtient le plus de voix qui est élu !

    De nombreuses scènes de pillage au centre de la capitale Libreville et l’incendie du consulat français de Port-Gentil deuxième ville du pays !! A suivre…

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  9. Restons en Afrique mais remontons en Lybie.

    Le colonel Kadhafi a commandé pour ses 40 ans de règne à un constructeur automobile italien, l’ancienne puissance coloniale, une voiture dénommée « Rocket », alors que le principal condamné de l’attentat de Lockerbie vient d’être libéré, chacun notera la subtilité de l’appellation de ce prototype !!

    Il s’agirait d’un engin très sécurisé qui peut entre autres « performances » rouler les pneus dégonflés durant des centaines de kilomètres…

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