POURQUOI JE M'EN MÊLE ...

"NOUS SOMMES TOUS SOURDS QUAND CELA ARRANGE NOTRE BONHEUR. CELA REPOSE UN PEU DE NE PAS TOUT ENTENDRE" - Tahar Ben Jelloun

mardi 27 octobre 2009

LES AFRICAINS SONT CONDAMNES A LAVER L'AFFRONT DE DADIS CAMARA, LE FOU DE CONAKRY !

Il y a quelques mois, en mars de cette année plus précisément, je m’indignais de la solidarité coupable des pays africains ou plus exactement des dirigeants africains réunis au sein de l’Union Africaine, envers le régime génocidaire et despotique du soudanais Omar El Béchir. Alors que celui-ci venait de faire l’objet d’un mandat d’arrêt international de la CPI, ses pairs dont l’écrasante majorité est constituée de dictateurs violateurs des droits fondamentaux de leurs concitoyens, ont poussé des cris d’Orfraie et fait semblant de stigmatiser le « néocolonialisme » des Occidentaux. Comme si ce sont ces derniers, monsieur Ocampo en tête, qui avaient incité El Béchir à envoyer ses milices janjawid massacrer des civils innocents et brûler littéralement des villages entiers au Darfour. Sur ces massacres à grande échelle, les preuves abondamment recueillies sur le terrain permettent aujourd'hui d'avancer que la qualification pénale de « crimes contre l’humanité », à défaut de celle de « génocide », n’est plus discutable.

Avant cela, le 23 décembre dernier, vint un certain Moussa Dadis Camara, obscur capitaine de l’armée guinéenne, qui profita de l’expectative des hauts gradés après le décès du dictateur Lansana Conté, pour s’emparer du pouvoir. Discours décousu, français approximatif, celui qui cache mal sa haine pour les intellectuels et brandit pour toute compétence une intrigante formule « J’ai fait l’Allemagne », révèle en huit mois sa vraie nature : un voyou d’État. La fonction de Président de la République qu’occupe le patron de la junte militaire se révèle être une farce comme on n’en avait plus vu sur le continent depuis la chute d’un certain Idi Amin Dada qui dirigea l’Ouganda entre 1971 et 1979. Ivre de pouvoir, Dadis est lui-même procureur, juge et bourreau à ses heures : il traque les présumés détourneurs des deniers publics et narcotrafiquants, mène tambour battant leur procès devant les caméras de la télévision publique, annonce les verdicts et les jette en prison. Toujours devant les caméras, il interpelle, même sur la foi des rumeurs et d’actes de délation, des hauts fonctionnaires de l’État, les insulte publiquement et les démet de leurs fonctions avant de nommer sur-le-champ le premier courtisan qui lui tombe sous les yeux. En public une fois de plus, il n’hésite pas à humilier un ambassadeur européen, celui de l’Allemagne en l’occurrence, le traitant de tous les noms, car ne supportant pas que le diplomate lui ait rappelé sa propre promesse de ne pas se porter candidat aux prochaines présidentielles et de se retirer avant la fin de l’année en cours. Mais autant son faux patriotisme que son faux panafricanisme auraient pu faire diversion auprès de ceux qui, sur le continent, ont toujours choisi d’expliquer le malheur des Africains par la seule « conspiration » des Occidentaux. L’homme aurait réussi à susciter une certaine sympathie auprès d’une partie des nostalgiques du très valeureux Capitaine Thomas Sankara du Burkina Faso, homme de conviction et digne porte-parole d’une Afrique qui refuse de faire le lit du néocolonialisme extérieur et intérieur. Seulement, il y a eu le massacre du 28 septembre. Une manifestation pacifique, organisée par les partis d’opposition afin de rejeter une éventuelle candidature à la magistrature suprême du chef de la junte, a fini dans un bain de sang : plus de 150 morts selon des associations locales des droits de l’Homme et selon l’ONU, des viols en série, en plein jour et au cœur de la capitale, Conakry. Au cas où on n’aurait pas compris, Dadis Camara a révélé que pour s’accrocher au pouvoir, il ne ferait pas de quartier. Il ne reculerait devant rien, pas même devant ce même peuple dont il est convaincu être le sauveur « envoyé par Dieu ». S’il se mettait à choisir ses lieutenants politiques parmi des hommes de la trempe de Dadis Camara, Dieu aurait du souci à se faire pour gagner la guerre de la foi ici-bas. Mais laissons Dieu loin de ces basses affaires d’hommes, d’hommes avides de pouvoir.

Aussitôt les images du massacre portées sur les écrans des télévisions du monde entier, la CEDEAO, organisation sous-régionale dont la Guinée est membre mais dont elle a été suspendue – à l’instar de l’Union Africaine – a condamné fermement le crime. Le Président de sa Commission, Mohamed ibn Chambas, devait dénoncer une « militarisation du pays caractérisée par l’usage arbitraire et irresponsable du pouvoir pour réprimer la population ». Et d’ajouter : « Si cette junte passe en force, elle va imposer une nouvelle dictature (...) La CEDEAO et la communauté internationale sont aux côtés du peuple guinéen ». Dont acte. L’Union Africaine, si frileuse d’habitude, a fait savoir elle aussi au fou de Conakry qu’elle ne le couvrait pas. Il ne s’est pas trouvé de Mouammar Kadhafi – Président en exercice de l’UA – ni d’Abdoulaye Wade, ses deux « parrains » officiels sur le continent, pour se dresser contre l’ultimatum lui lancé par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union afin d’annoncer officiellement sa non candidature aux prochaines élections présidentielles dont la date reste sujette à caution, comme lui-même en avait pris l’engagement au soir du 23 décembre 2008.

On sait depuis que Camara a botté en touche, cherchant à gagner du temps, puisqu’il a répondu qu’il souhaitait que la question de sa candidature soit portée à la liste des points à discuter avec l’opposition politique, sous la médiation du Président Burkinabè Blaise Compaoré. Il reste aux dirigeants Africains d’aller jusqu’au bout, de démontrer leur rectitude et surtout leur solidarité avec le peuple de Guinée, un peuple qui n’a connu qu’une suite de dictatures militaires depuis l’accession à l’indépendance sous un certain Sékou Touré. Les sanctions ne sauraient se limiter, comme ils l’ont annoncé jusqu’ici, à un simple embargo sur les armes, mesure dénuée de toute force contraignante effective, puisque de tous les protagonistes de la crise guinéenne, seule la junte militaire détient les armes et en détient déjà assez pour décimer tous ceux qui, politiquement, pourraient se dresser sur son chemin. Les mesures véritablement dissuasives devraient plutôt toucher aux visas de sortie et aux avoirs à l’étranger des membres de ladite junte, en attendant une enquête indépendante – souhaitée par l’ONU et évoquée par le Bureau du Procureur de la CPI - qui devrait rétablir les responsabilités au plan pénal sur le massacre du stade de Conakry.

Même si l’UE vient d'annoncer ce mardi 27 octobre qu'elle décidait d'appliquer les sanctions susmentionnées à l'encontre de quarante-deux personnalités des milieux du pouvoir à Conakry et que les États-Unis d’Amérique vont certainement leur emboîter le pas, il serait tout à l’honneur des dirigeants Africains de sauver l’image du continent et de faire comprendre au monde que l’ont peut être à la fois pourfendeur de « l’impérialisme » ou du « néocolonialisme » occidental et refuser de se faire complice des crimes commis contre une population civile longtemps brimée, qui ne réclame que le droit à la parole. Car parlant du procès en « néocolonialisme » fait aux puissances occidentales, peu d’Africains sont assez dupes pour ne pas savoir que ceux qui le brandissent sont souvent ceux-là mêmes qui en réalité en tirent les plus gros gains, le premier étant de se maintenir au pouvoir contre le gré de leurs peuples et avec la bénédiction de leurs « parrains » Euro-américains.

Ce qui reste de la crédibilité de l’Union Africaine se joue donc sur la manière dont les pairs de Moussa Dadis Camara auront démontré leur solidarité avec le peuple de Guinée. J’ose dire que depuis le massacre du 28 septembre 2009, tout Homme épris de liberté et respectueux de la dignité de son prochain est un Guinéen. En tout cas, je me sens Guinéen et parie que cet état d’esprit est, à divers degrés, partagé par bien des milliers de personnes de par le monde, pour peu qu’elles s’intéressent à l’actualité de ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest. Puisse la pression interne et internationale pousser à la sortie la junte dirigée par Camara, un ramassis d’aventuriers comme l’Afrique ne devrait plus jamais en connaître, une bande de mystificateurs ayant pour tout programme politique le despotisme et pour toute loi celle de la jungle !

Et si vous jugez que je ne suis pas tendre avec Camara, regardez ceci et trouvez une explication à la folie de cet homme :

dimanche 23 août 2009

ATTENTAT DE LOCKERBIE : QUAND KHADAFI "BALANCE" !


Ca s’appelle « balancer » ou en langage plus diplomatique, l’art d’embarrasser un allié de circonstance qui ne demandait qu’à avoir la paix avec son opinion nationale. Mais l’auteur du coup n’est pas connu pour sa réserve, tant sa verve en a fait baver, de l’autre côté de l’Atlantique. Et pas seulement chez les Suisses. Mouammar Kadhafi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est tout, sauf homme à se formaliser du politiquement correct. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’en rate pas une pour acculer les démocraties occidentales, si promptes à donner les leçons aux despotes mal éclairés des républiques bananières et autres califats obscurantistes et corrompus jusqu’à la corde, chaque fois que la dure loi de la « realpolitik » leur fait dire que la justice et les droits de l'homme sont solubles dans les affaires.

Dernier épisode en date : après la libération de l'auteur de l'attentat de Lockerbie, le président des États-Unis Barack Obama a demandé que celui-ci soit assigné à résidence et qu'il ne soit pas accueilli en héros. Peine perdue. Al-Megrahi a atterri à 14 H30 (heure d’Ottawa) jeudi à l'aéroport de Tripoli à bord d'un avion spécialement affrété par la Jamahiriya arabe lybienne. Il est sorti de l'avion avec Seif Al-Islam, un des fils du dirigeant libyen, qui lui tenait la main. Des centaines de personnes ont agité des drapeaux libyens et écossais, alors que des haut-parleurs diffusaient l'hymne national. Pour rappel, le héros du jour n’est autre que l’homme qui a été condamné en 2001 à la prison à vie avec une peine de sûreté de 27 ans pour son implication dans l'explosion d'un avion de la Pan Am, le 21 décembre 1988, au-dessus du village écossais de Lockerbie, attentat qui avait tué 270 personnes. L’accueil à Tripoli de l’homme par qui arriva naguère l’ostracisme sur le régime du Guide libyen est une scène qualifiée de "profondément affligeante" par le ministre britannique des Affaires étrangères du Royaume-Uni David Miliband.


Outrée, la diplomatie de Sa Majesté ? La réponse du fils du colonel Kadhafi, Seïf Al-Islam, n’emprunte pas la moindre note de la bien connue langue de bois à laquelle on serait attendue en la circonstance : selon lui, la libération d'Al-Megrahi était au coeur des contrats commerciaux conclus avec la Grande-Bretagne. "Dans tous les contrats commerciaux, de pétrole et de gaz avec la Grande-Bretagne, (M. Al-Megrahi) était toujours sur la table des négociations", a-t-il lâché dans une interview diffusée vendredi soir sur la chaîne Al-Motawassit (La Méditerranée) dont il est le propriétaire et qui venait d’être lancée. Si les choses n’étaient pas encore claires, le Guide lui-même se charge d’enfoncer le clou en recevant officiellement Al-Megrahi, vendredi soir. Et le Chef de l’État libyen de saluer "le courage" et "l'indépendance" du gouvernement écossais. Dans la foulée, il a aussi pris soin de remercier, à la télévision nationale, son "ami" Gordon Brown, le gouvernement britannique, la reine d'Angleterre et son fils le prince Andrew, représentant spécial des intérêts économiques du Royaume-Uni, pour avoir contribué à la décision écossaise. Du coup, la polémique enfle en Grande-Bretagne, la presse évoquant samedi le "marchange d'arrière-boutique" et la "collusion" entre Londres et Edimbourg. C’est dire si Khadafi a jeté un pavé dans la mare britannique. Le gouvernement Brown a aussitôt démenti les affirmations libyennes, un porte-parole du Premier Ministre alléguant qu’"il n'y a aucun arrangement". Trop tard : l'opposition britannique, notamment conservatrice, demande des comptes à Gordon Brown sur le rôle de Londres dans la libération. Elle est d’ailleurs échaudée par le fait que le ministre britannique au Commerce Peter Mandelson a reconnu samedi sur la chaîne Sky News avoir rencontré à deux reprises cette année le fils du leader libyen, qui avait soulevé "la question de la libération de M. Megrahi". Celle-ci "est entièrement une décision du ministre de la Justice écossais", a-t-il toutefois réaffirmé.


De son côté, Megrahi n’a de cesse de réitérer son innocence, notamment dans un entretien au quotidien The Times publié samedi, parlant d’ « erreur judiciaire » dont il serait victime. Âgé de 57 ans, atteint d'un cancer de la prostate en phase terminale, ce qui justifie que la justice écossaise ait décidé de le remettre en liberté pour raisons de santé, causant du même coup l’ire des familles des victimes qui elles se sentent flouées. Un sentiment que les supputations sur les dessous des cartes de ce énième épisode de la longue saga de "l’affaire de Lockerbie" ne peuvent que renforcer. Pour le moment, le scénario se passe de façon on ne peut plus classique, chacun jouant le rôle écrit pour lui : le régime libyen, si honni et pourtant si courtisé y compris sous l’embargo officiel décrété par l’ONU des suites de cette même affaire, trouve l’occasion trop belle pour ne pas snober ceux avec qui il a selon toute vraisemblance pactisé. Histoire de leur faire payer toutes les humiliations d’hier et de prouver aux opinions publiques occidentales qu’ils ont beau chanter le credo des droits de l’homme dans les grandes tribunes illuminés de mille feux par les medias du Nord, leurs dirigeants sont prêts à manger dans la main de celui-là même qu’ils qualifient de Diable, pour quelques barils de pétrole. Pour quelques milliards de dollars. De Pékin à Tripoli, c’est la même évangile, mélange d’hypocrisie et de couardise. Quant au régime britannique, il se défend au mieux qu’il peut, car il n’est guère bien vu de manger publiquement avec le Diable. Au 10, Downing street, on aurait tellement aimé que ce dernier la ferme, mais Khadafi n’en fait jamais qu’à sa tête, il faut le prendre ou le rejeter tel quel. Alors, on avale les couleuvres, on serre les dents en espérant de ne pas y laisser trop de plumes. Et le Guide lui, sous sa tente royale, boit son thé à la santé de Megrhahi qui n’aurait plus que trois mois à vivre. C’est bien le côté très peu reluisant de la politique telle que je l’abhorre et qui, je ne le sais que trop bien hélas, est l’arrière-cour de toutes les belles démocraties. Belles de loin, mais loin d’être aussi belles. Et pourtant, l'homme n'a pas encore inventé meilleur rêve, meilleur idéal en matière de gouvernement, que la démocratie. Comment manquerais-je le courage de le reconnaître, bon gré mal gré ?

jeudi 18 juin 2009

L'AMÉRIQUE BLANCHE FAIT SON MEA CULPA POUR ESCLAVAGE ET SÉGRÉGATIONNISME


En 2001, la France mettait un terme à plus d’un siècle de tergiversations en adoptant la loi désormais connue sous le nom de la Députée de la Guyane qui en fut la promotrice, « la loi Taubira ». Avec elle, le rôle de la France dans l’esclavage des Noirs était dénoncé et l’esclavage érigé en crime contre l’humanité. La loi allait encore plus loin, préconisant l'insertion de ce fait historique dans les programmes scolaires et le développement des recherches scientifiques s'y rapportant. Si certaines dispositions du texte législatif suscita – et continue à susciter – des cris d’Orfraie auprès de ceux qui à l’instar du « Collectif Liberté pour l’Histoire » s’indignent de ces « lois mémorielles » qu’ils accusent de politiser l’écriture de l’Histoire, il n’en reste pas moins que sept siècles après l'ordonnance de Louis X le Hutin, datée de 1315, proclamant que « le sol de France affranchit quiconque y pose le pied », la France regardait son histoire en face et battait sa coulpe.


Outre-atlantique, l’Amérique, la même qui vit ses armées en découdre sur fond de velléités sécessionnistes du Sud décidé à maintenir l’esclavage alors que le Nord ne jurait que par l’abolition, n’en finit pas d’ergoter sur « la question raciale ». Elle qui vient d’élire un Noir à la plus haute charge publique du pays, sait néanmoins qu’elle est loin d’avoir écrit la page de cette Amérique post-raciale dont rêvent les progressistes de cette démocratie qui ne manque pas de fantômes dans ses placards. C’est fort de cette réalité que je pense que le vote qui vient d’avoir lieu ce jeudi 18 juin 2009 au Sénat fédéral a une valeur historique plus forte encore que l’avènement de la loi Taubira en France.

De fait, le Sénat américain a voté aujourd’hui pour présenter formellement ses excuses, au nom du peuple américain, pour « l’esclavage et la ségrégation raciale » envers les Noirs américains. Il ne s’agit pas d’une loi stricto sensu, mais bien d’une résolution symbolique qui a été approuvée par acclamation, la majorité démocrate et l’opposition républicaine étant largement d’accord sur les termes du texte. Ladite résolution devra également être adoptée par la Chambre des représentants, mais ne requiert pas de signature du président des États-Unis, Barack Obama, dont on se souviendra le très beau discours durant les primaires démocrates, le 18 mars 2008, à Philadelphie, en pleine tourmente dans l’affaire du fameux Pasteur Jeremiah Wright.


Cet acte historique intervient à la veille de la célébration de la fin de l’esclavage aux États-Unis en 1865, après la guerre de Sécession remportée par les Unionistes du Nord. Le texte reconnaît « l’injustice fondamentale, la cruauté, la brutalité et l’inhumanité de l’esclavage » et des lois ségrégationnistes connues sous le nom de « lois Jim Crow » qui ont été abolies en 1964 par la loi sur les droits civiques, le « Civil Rights Act » qui interdit toute forme de discrimination dans les lieux publics. Il présente des « excuses aux Noirs américains au nom du peuple américain, pour le mal qui leur a été fait, ainsi qu’à leurs ancêtres qui ont souffert de l’esclavage et des lois Jim Crow ».

Il faut toutefois observer qu’il est stipulé que le texte de la résolution ne peut servir de « support à une plainte contre les États-Unis ». Une disposition qui a amené le groupe des élus Noirs de la Chambre des représentants, à exprimer ses « inquiétudes ». Comme il fallait s’y attendre et comme en France, l’État démocratique se trouve pris au piège du devoir de mémoire, du caractère imprescriptible des droits humains et de la responsabilité à la fois politique et juridique des auteurs des crimes y relatifs. Auteurs qui, dans le cas d’espèce, se retranchent derrière le visage de l’État qui a institutionnalisé des actes hautement répréhensibles. Entre le droit et la politique, sur une question aussi sensible et qui a tous les traits d’une boîte aux pandores, les démocraties occidentales semblent avoir choisi de l’emporter sur le déni des crimes passés dans une formule en demi teinte : « responsables, mais pas coupables ». Vous avez dit réparations ? Il faudra repasser, hélas.


Avant l’Amérique, l’Australie et plus récemment le Canada – pour ne citer que ces deux grands pays de l’espace Commonwealth – avaient adapté la même position, en lien avec les actes commis naguère contre leurs populations autochtones respectives. Ceux qui y voient de bien hypocrites « larmes de crocodiles » vous diront que des excuses qui ne s’accompagnent pas de réparations ne sont rien de moins qu’une manière de se dédouaner à bon compte. Si je considère personnellement que le débat sur les réparations mérite d’être mené pour ce genre de crimes et abus, ceci afin notamment de bien circonscrire les éléments de droit sur lesquels devraient s’asseoir une telle démarche, je suis d’avis que si réparation il devrait y avoir, elle ne devrait pas procéder des compensations d’ordre financier ou matériel, mais plutôt des mesures à caractère politique du style « discrimination positive » (l’affirmative action américaine). Verser de l’argent contre un crime contre l’humanité reconnu comme tel par « les anciens bourreaux » ne me semble pas conciliable avec l’idée que l’Humanité des êtres vivants ne s’aliène guère. Pas sûr que le Sénateur américain Tom Harkin à l’orgine de la recommandation de ce jeudi ait été mû par cette préoccupation, mais je ne peux qu’adhérer à ses propos lorsqu’il déclare : « Alors que nous sommes fiers de cette résolution qui est attendue depuis longtemps, un vrai travail reste à accomplir (…) pour créer de meilleures opportunités pour tous les Américains. C’est véritablement le seul moyen de répondre à l’héritage de l’esclavage et de Jim Crow ».


Une cérémonie est prévue début juillet au Capitole pour « marquer l’occasion », a assuré le sénateur Harkin. Le président Barack Obama pourrait assister à cet événement, aussurait-on des sources proches de la Maison Blanche.

mercredi 20 mai 2009

ISRAEL - IRAN, VERS UN NOUVEL ÉQUILIBRE DE LA TERREUR ?

Au moment où le dernier test du missile sol-sol iranien (Sejil-2, photo ci-contre) crée la stupeur dans les chancelleries occidentales et que Benyamin Netanyahu joue les durs avec Barack Obama, j'ai aimé cet article rédigé par Reuven Pedatzur du journal israélien Haaretz, que Le Monde a repris dans son édition de ce mercredi 20 mai. Je vous laisse le découvrir; ca vaut le détour :
ISRAEL - IRAN, LES RISQUES ET PÉRILS D'UNE ATTAQUE


Plus besoin, pour les membres du gouvernement israélien et de la Knesset qui auront à se prononcer sur une éventuelle attaque contre les installations nucléaires iraniennes, d'attendre un rapport préalable émanant de l'armée de l'air israélienne. Dès à présent, ils ont à leur disposition tous les scénarios possibles d'une attaque contre l'Iran, avec tous les risques que cela comporte et toutes les chances de réussite, grâce à l'étude menée par Addullah Toukan et Anthony Cordesman, du Centre d'études stratégiques et internationales de Washington.
La publication d'un texte aussi lucide, détaillé et exhaustif sur les options offensives d'Israël est une première. Ce rapport de 114 pages expose l'ensemble des informations disponibles sur les capacités militaires d'Israël et son programme nucléaire, ainsi que sur les développements nucléaires et les défenses aériennes de l'Iran, et sur l'inventaire des missiles dans chacun des deux pays. Après avoir passé en revue tous les cas de figure d'une attaque contre l'Iran, Toukan et Cordesman concluent : "Une offensive israélienne contre les installations nucléaires iraniennes est possible, (mais) elle serait complexe et hautement risquée et rien ne garantit que la mission dans son ensemble se solde par un succès."

Le premier problème soulevé par les auteurs concerne les services secrets, ou plutôt leurs lacunes. D'après eux, "on ignore si l'Iran dispose d'installations secrètes d'enrichissement d'uranium". S'il existe des installations inconnues des agences de renseignement occidentales, le programme iranien d'enrichissement d'uranium pourrait bien s'y poursuivre en secret, alors même qu'Israël bombarderait les sites connus - l'opération serait donc nulle et non avenue. De manière générale, les auteurs du rapport estiment qu'une attaque contre l'Iran ne se justifie qu'à condition de mettre fin au programme nucléaire iranien ou de le stopper pour plusieurs années. Or c'est là un objectif difficile à atteindre.

Les services secrets sont également divisés sur la question cruciale de savoir quand l'Iran disposera de l'arme nucléaire. Les Israéliens affirment que la bombe sera prête entre 2009 et 2012 ; les Américains, eux, repoussent l'échéance à 2013. Si les prévisions des Israéliens sont justes, la fenêtre d'opportunité pour une intervention militaire ne tardera pas à se refermer. Quoi qu'il en soit, tout le monde est unanime sur le fait que nul n'osera attaquer l'Iran une fois qu'il sera en possession de l'arme nucléaire.

Etant donné que des dizaines d'installations nucléaires sont éparpillées sur l'ensemble du vaste territoire iranien, et qu'il n'est pas possible de les attaquer toutes d'un coup, Toukan et Cordesman envisagent l'option consistant à n'en frapper que trois, celles qui "forment le maillon central de la chaîne du combustible nucléaire nécessaire à l'Iran pour produire du matériel fissile à des fins militaires". La destruction de ces trois sites-là suffirait à paralyser le programme nucléaire iranien pour plusieurs années. Il s'agit du centre de recherches nucléaires d'Ispahan, de l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz et de l'usine de production d'eau lourde d'Arak, destinée à la production d'uranium. Or il n'est pas sûr qu'Israël se lance dans une offensive aussi lourde de conséquences pour frapper seulement un petit nombre d'installations, sans aucune garantie d'interrompre ainsi la nucléarisation iranienne pour une durée significative.

L'étude analyse trois couloirs aériens possibles : le plus plausible passe par le nord ; il longe la frontière syro-turque et traverse le nord-est de l'Irak, avant de pénétrer en Iran. L'itinéraire central, qui survole la Jordanie, est plus court, mais il ne sera pas retenu, par crainte de problèmes politiques avec les Jordaniens. Le sud, via la Jordanie, l'Arabie saoudite et l'Irak, risque lui aussi de provoquer des conflits diplomatiques. Afin que ses appareils puissent faire route vers l'Iran sans être détectés, l'armée de l'air israélienne aurait recours à une technologie de pointe destinée à brouiller les réseaux de communication et les radars des pays survolés par les F15 et les F16. Selon les auteurs du rapport, l'aviation israélienne a déjà fait usage de cette technologie au cours des raids contre le réacteur nucléaire syrien de Deir ez-Zor en septembre 2007. Un dispositif de piratage a été installé sur deux avions Gulfstream G550 récemment acquis par Tsahal (l'armée israélienne).

Une intervention visant ces trois installations nucléaires nécessiterait pas moins de 90 avions de combat, à savoir les vingt-cinq F15E que compte la flotte israélienne et soixante-cinq F16IC. Il faudrait également réquisitionner tous les avions ravitailleurs, soit cinq KC130H et quatre B707, afin de réapprovisionner en vol les avions de combat à l'aller comme au retour. L'aviation israélienne aura bien du mal à localiser un couloir où les avions ravitailleurs pourront évoluer sans être repérés par les Syriens ou par les Turcs. L'une des principales difficultés tactiques tient au caractère souterrain du site de Natanz. Son usine d'enrichissement d'uranium, enfouie à une profondeur de 8 mètres, est protégée par un mur de béton de 2,5 mètres d'épaisseur, lui-même entouré par un autre mur de béton. En 2004, les Iraniens ont fortifié l'autre aile de l'installation, qui abrite des centrifugeuses : ils l'ont enterrée vingt-cinq mètres sous terre et recouverte d'une chape de béton armé de plusieurs mètres d'épaisseur.

Les Iraniens se servent de ces centrifugeuses pour produire l'uranium enrichi indispensable à la fabrication d'une bombe atomique. L'usine de Natanz compte déjà 6 000 centrifugeuses, et il est prévu d'en installer 50 000 au total, pour un rendement annuel de 500 kg d'uranium militaire. La fabrication d'une bombe requiert 15 à 20 kg d'uranium enrichi. Ainsi, Natanz sera en mesure de fournir suffisamment de matériel fissile pour produire 25 à 30 armes nucléaires par an. Vu l'importance de la centrale de Natanz, les Iraniens ont pris bien soin de l'entourer d'une solide protection. Afin de contourner ce rideau défensif, l'armée de l'air israélienne recourrait à deux types de bombes intelligentes de fabrication américaine. La presse internationale a laissé filtré que 600 de ces bombes - surnommées "bunker busters" (briseurs de bunkers) - auraient été vendues à Israël. Le premier modèle, le GBU-27, pèse près de 900 kg et peut défoncer une couche de béton de 2,4 mètres. L'autre, le GBU-28, pèse 2 268 kg : ce mastodonte traverse 6 m de béton plus une couche de terre de 30 m de profondeur. Mais, pour que ces obus atteignent les installations iraniennes ultraprotégées, les pilotes israéliens devront viser avec une précision absolue et à un angle optimal.

La série de défis auxquels est confrontée l'armée de l'air israélienne ne s'arrête pourtant pas là. Le système de défense aérienne mis sur pied par l'Iran risque d'empêcher les avions israéliens d'atteindre leur objectif. Les Iraniens ont notamment déployé des batteries de missiles Hawk, de missiles sol-air SA-5 et SA-2, et ils disposent en outre de missiles antiaériens SA-7, SA-15, Rapier, Crotale et Stinger. A cela s'ajoutent les 1 700 fusils antiaériens qui protègent les installations nucléaires, et les 158 avions de combat qui pourraient participer à la défense de l'espace aérien iranien. La plupart de ces appareils sont technologiquement dépassés, mais ils peuvent encore être mis à contribution pour intercepter la flotte israélienne, qui aurait alors à mobiliser une partie de sa force de frappe afin de gérer la situation.

Tous ces obstacles ne sont pourtant rien comparés au système de défense antiaérien S-300V (SA-12 Giant), à propos duquel plusieurs sources indiquent qu'il aurait récemment fait l'objet d'une transaction secrète entre la Russie et l'Iran. Si les Iraniens disposent bien d'un tel système de défense, alors tous les pronostics de Tsahal et toutes les considérations pour ou contre une intervention israélienne en Iran sont à revoir. Le dispositif russe est tellement sophistiqué et imparable que les pertes aériennes pourraient atteindre 20 % à 30 %. En d'autres termes, sur une flotte de 90 avions, 20 à 25 risquent d'être abattus. "Des pertes qu'Israël ne peut pas se permettre", selon les auteurs.

Si Israël décidait de s'en prendre également au fameux réacteur de Bouchehr, cela provoquerait une catastrophe écologique et des pertes humaines massives. Sous la forme de retombées de radionucléides, la contamination atmosphérique s'étendrait sur un vaste périmètre et entraînerait la mort instantanée de milliers d'Iraniens résidant à proximité. Des centaines de milliers de personnes seraient aussi emportées par le cancer dû à la radioactivité. Du fait des vents du nord qui balaient la région presque toute l'année, "Bahreïn, le Qatar et les Emirats arabes unis seraient lourdement touchés par les radionucléides", concluent les auteurs du rapport.

Peut-être pourrait-on contourner la difficulté d'une intervention aérienne israélienne en choisissant d'envoyer des missiles balistiques, contre lesquels les Iraniens n'ont aucun moyen de défense, plutôt que des avions de combat. Le rapport dévoile le programme de missiles israéliens et en détaille les trois principaux modèles : Jéricho I, II et III. Le Jéricho I a une portée de 500 kilomètres, une tête de 450 kg et peut transporter une arme nucléaire de 20 kilotonnes. Jéricho II, dont la portée est de 1 500 kilomètres, est entré en service en 1990. Il peut être équipé d'une tête nucléaire d'une mégatonne. Jéricho III est un missile balistique intercontinental d'une portée de 4 800 à 6 500 kilomètres, susceptible de recevoir une tête nucléaire de plusieurs mégatonnes. Selon le rapport, ce dernier serait entré en service en 2008. Les auteurs semblent partir du principe qu'Israël ne lancerait pas de missiles à tête nucléaire, mais seulement conventionnelle. D'après leurs calculs, il faudrait 42 Jéricho III pour détruire les trois installations iraniennes, à supposer que tous atteignent leur cible, ce qui sera extrêmement difficile. Il ne suffit pas en effet de frapper la zone cible. Pour détruire les installations, il faut viser des points d'une superficie d'à peine quelques mètres. Il n'est pas sûr que l'on puisse se fier aux Jéricho pour assurer une telle précision de frappe.

Le rapport étudie également la réponse que l'Iran pourrait opposer à une intervention israélienne. Selon toute vraisemblance, les Iraniens se verront incités à poursuivre et même à accélérer leur programme nucléaire, en vue de constituer une dissuasion crédible face à une intervention israélienne. L'Iran se retirerait également du traité de non-prolifération des armes nucléaires qui, jusqu'à présent, a permis de surveiller dans une certaine mesure son programme nucléaire par l'intermédiaire des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Une opération israélienne couperait court à toute tentative de pression de la part de la communauté internationale pour que l'Iran suspende sa production d'armes nucléaires. L'Iran ne manquerait d'ailleurs pas d'exercer des représailles directes contre Israël. Il pourrait lancer des missiles balistiques Shahab-3 dont la portée couvre l'ensemble du territoire israélien, certains mêmes équipés de têtes chimiques. En outre, les Iraniens se serviraient du Hezbollah et du Hamas pour précipiter des vagues de kamikazes sur Israël. La deuxième guerre du Liban à l'été 2006 nous a donné un aperçu de la puissance de feu du Hezbollah, et les huit dernières années ont montré que le Hamas aussi était en mesure d'envoyer des fusées Qassam depuis la bande de Gaza.

Au cours de la deuxième guerre du Liban (en juillet 2006), le Hezbollah a tiré 4 000 roquettes depuis le Liban sud, et leur effet sur le nord d'Israël a marqué les mémoires : la vie a été quasiment paralysée pendant un mois. Depuis, l'organisation chiite libanaise a reconstitué et grossi son arsenal, et elle possède aujourd'hui quelque 40 000 roquettes. Israël n'a pas de parade à leur opposer. Les systèmes de défense antimissiles actuellement en cours d'élaboration (Iron Dome (dôme de fer) et Magic Wand (Baguette magique)) sont loin d'être au point et, même quand ils seront opérationnels, il est peu probable qu'ils fassent le poids contre une pluie de milliers de roquettes lancées sur Israël. Qui plus est, une intervention israélienne en Iran déstabiliserait l'ensemble du Moyen-Orient. Les Iraniens mobiliseraient les chiites d'Irak, ils soutiendraient les combattants talibans et renforceraient leur présence en Afghanistan. Ils pourraient même s'en prendre aux intérêts américains dans la région, en particulier dans les pays abritant des bases militaires américaines, comme le Qatar et Bahreïn. Les Iraniens essaieraient sans doute aussi de bloquer l'approvisionnement en pétrole du golfe Persique à destination de l'Occident. Les Etats-Unis, accusés d'avoir donné à Israël le feu vert pour attaquer l'Iran, verraient compromises leurs relations avec leurs alliés du monde arabe. Toukan et Cordesman présument toutefois que la Syrie, alliée de l'Iran, s'abstiendrait d'intervenir en cas d'attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes.
Quant au calendrier d'une éventuelle intervention israélienne, les auteurs évoquent certains facteurs susceptibles d'en accélérer la décision. D'ici à 2010, l'Iran risque de représenter une grave menace pour ses voisins et pour Israël, parce qu'il disposera alors d'armes nucléaires en quantité suffisante pour dissuader une attaque israélienne ou américaine. L'inventaire des missiles balistiques porteurs de têtes non conventionnelles dont dispose l'Iran pourrait précipiter les événements. Enfin, la perspective que ce pays acquière le dispositif russe de défense aérienne S-300V (s'il ne l'a pas déjà fait) pourrait elle aussi motiver une frappe préventive.
Quelle conclusion les dirigeants israéliens doivent-ils donc tirer de ce rapport ? Qu'une attaque aérienne contre l'Iran serait une opération complexe et problématique, à l'issue plus qu'incertaine. Qu'il leur faut prendre en compte tous les risques attenants à une telle décision et ne pas se laisser séduire par les promesses que pourrait faire l'état-major de Tsahal sur ses chances de réussite. En conclusion, Toukan et Cordesman se demandent si Israël a bien les moyens militaires de détruire le programme nucléaire de l'Iran, ou au moins de le retarder pendant plusieurs années. Si les contacts diplomatiques que l'administration Obama cherche à établir avec l'Iran s'avèrent improductifs et si, face à leur échec probable, le président américain ne se décide pas à une intervention armée, tout porte à croire que l'Iran sera en possession d'armes nucléaires dans un avenir proche. Les leaders israéliens ont donc tout intérêt à se préparer, psychologiquement et stratégiquement, à l'éventualité que l'Iran acquière le statut de puissance nucléaire, dotée d'une force de frappe contre Israël.

Soulignons ici l'erreur qu'a commise Israël en agitant la menace iranienne. Le régime de Téhéran est certes un adversaire acharné et inflexible, mais il est loin de représenter une menace vitale pour Israël. L'implication de l'Iran dans le terrorisme qui s'est abattu sur la région pose certes des questions, mais une chose est de financer des terroristes, et une autre de lancer des missiles nucléaires contre Israël. Même si l'Iran parvenait à se procurer des armes nucléaires, la capacité dissuasive d'Israël suffirait à faire réfléchir tout dirigeant iranien avant d'envisager un tir de missiles nucléaires.

Cessons de brandir l'épouvantail d'une menace existentielle et gardons-nous de toute déclaration belliqueuse susceptible d'enclencher une escalade fatale. Si de telles déclarations sont superflues et nocives, une attaque contre les installations nucléaires iraniennes le serait davantage. Evidemment, rien de tout cela n'empêche que l'on engage une action secrète pour faire entrave au programme iranien et à ses sources d'approvisionnement. La destruction du réacteur Osirak à Bagdad, en 1981, a marqué l'acte de naissance de la "doctrine Begin :" : celle-ci veut qu'Israël ne laisse aucun pays ennemi dans la région acquérir l'arme nucléaire. Le problème, c'est que ce qui était envisageable en Irak il y a près de trente ans ne l'est plus dans le contexte actuel de l'Iran. Le leitmotiv de la "menace iranienne" est un produit du contexte politique intérieur israélien et résulte du désir de voir augmenter les investissements dans le domaine de la sécurité. Mais, au vu du développement probable de la balistique iranienne, c'est un jeu risqué. Israël ne peut se permettre de négliger la force de frappe qui est celle de l'Iran et doit élaborer une politique propre à la neutraliser. D'ici à un à trois ans, quand les Iraniens seront en possession d'armes nucléaires, les règles stratégiques de la région seront complètement changées. Israël doit se tenir prêt en inventant une politique cohérente et claire, capable de contrer efficacement une éventuelle menace nucléaire, quand bien même son adversaire n'aurait aucune intention de la mettre à exécution. La clé de voûte de cette politique, c'est bien évidemment la dissuasion des Iraniens, indiquant le prix terrible qu'ils auront à payer s'ils osent une attaque nucléaire contre Israël, les retiendra d'utiliser leurs missiles. Les Iraniens n'ont aucune raison d'exposer leurs grandes villes à une destruction totale, qui ne manquerait pas de se produire si Israël utilisait les moyens dissuasifs à sa disposition. Ni la satisfaction de massacrer des infidèles sionistes ni la promotion des intérêts palestiniens ne justifient un tel sacrifice. La puissance de la dissuasion israélienne face à une menace nucléaire iranienne a toutes les chances d'être efficace justement parce que les Iraniens n'ont pas intérêt à porter un coup fatal à Israël.

Par conséquent, toutes les déclarations poussant au développement de la capacité opérationnelle de l'aviation israélienne en vue d'une attaque contre l'Iran, toutes les vaines promesses sur la capacité du missile antimissile Arrow à neutraliser le Shahab-3, ne serviront pas à renforcer la dissuasion israélienne mais, au contraire, saperont sa crédibilité auprès des Iraniens. Il est temps de changer notre mode de penser. Finies les déclarations tonitruantes et les menaces en l'air : une politique de prudence, fondée sur une stratégie cohérente, est désormais de mise. A l'heure de la prolifération nucléaire au Moyen-Orient, tous les partis en présence ont finalement plus intérêt à faire baisser la tension qu'à souffler des braises sur le feu.
Reuven Pedatzur
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Si j'adhère à l'intelligence qui découle de la dernière phrase du journaliste israélien, force m'est néanmoins de noter que tout cela ne signifie rien de moins que la consécration quasi officielle de l'équilibre de la terreur dans cette partie du globe qui est tout sauf le meilleur endroit au monde pour rêver de paix. Qui a dit que l'Humanité était en constante évolution ? Sans doute un naïf qui ne connaissait pas ces mots d'Albert Einstein (dont les ascendants venaient de cette même "maudite" terre que j'ai du mal à considérer comme "sainte") : "Deux choses sont infinies : l'univers et la sottise humaine. Mais je ne suis pas sur de ce que j'avance pour l'univers". Qui dit mieux ?

dimanche 5 avril 2009

G20, DESSINE-MOI UN "NOUVEL ORDRE MONDIAL"


L'ensemble des participants au sommet du G20 de Londres sont ressortis avec le sourire. Tous ont évoqué un compromis historique. Dans la foulée, un vent d’enthousiasme s’est emparé des médias, certains n’hésitant pas à parler d’un « Nouvel Ordre Mondial », une formule empruntée d’ailleurs à Gordon Brown, Premier Ministre Britannique, hôte du Sommet. Après avoir communié moi-même dans cette euphorie ambiante, je me suis demandé si un sommet qui se clôturait dans un tel satisfecit à la limite de l’unanimisme n’était pas un peu louche, si ce consensualisme bon enfant ne devait pas être dépassé pour questionner un peu plus en profondeur ce qui s’est dit et ce à quoi on a assisté. C’est donc à cet exercice que je voudrais me livrer ici.

Un Sommet entre riches, à l’image de ce qu’est la scène internationale

Le G20, à l'instar du G8, n'est rien de moins qu'un club des pays riches qui se réunissent selon leur propre calendrier pour résoudre des problèmes dont ils sont les seuls à décider de l’urgence et qu’ils n’ont guère envie de porter à l’agenda de l’ONU, la seule instance internationale à laquelle n’échappe quasiment aucun problème de portée universelle. Cela leur donne l’avantage d’être plus expéditifs qu’à l’Assemblée Générale onusienne où plus de 180 pays ont voix au chapitre. En même temps qu'apparaît le peu d’empressement de ces pays à renforcer la crédibilité et l’efficacité du « machin », voilà mise en exergue une réalité qu’on a parfois tendance à oublier; c’est que dans les faits, sur une foule d’enjeux, le sort des milliards d’humains sur terre n’est finalement lié qu’à la volonté politique d’une poignée d’États aux P.I.B. per capita aux antipodes de ceux du Malawi ou d’Haïti. Et quand cet enjeu est cette fois le grippage du système capitaliste sur lequel ces États ont fondé toute leur foi depuis des décennies, avec à la clé une crise financière déclenchée par celui-là même qui passait pour le modèle indétrônable du système, il ne viendrait à l’idée de personne de donner la parole aux pauvres. Ces derniers qui vont faire les frais d’une crise dans laquelle, pour une fois, ils n’auront joué aucun rôle actif, sont donc restés loin des bords de la Tamise. Ils ont dû espérer que Dominique Strauss-Kahn, patron d’une institution qui hier encore incarnait pour l’écrasante majorité d’entre eux le Monstre sans cœur, convainque, si besoin était, les riches absorbés par leurs plans de relance à tout va, à ne pas les laisser sombrer. Pour ce qui est de l’Afrique, qu’il suffise de mentionner que le Président sud-africain Kgalema Motlanthe était le seul Chef d'Etat du continent à avoir été associé à ce G20. Le Guide de la Jamahiriya arabe libyenne, Muhammar Khadafi, aurait voulu venir dresser sa tente dans la cour d'un beau palace londonien, l'espace de cette grand-messe si médiatisée, mais le Président en exercice de l'Union Africaine a été soigneusement évité, les "grands" lui ayant préféré deux autres invités africains, à savoir le Premier ministre Ethiopien Mélès Zenawi représentant le NEPAD et le Gabonais Jean Ping, Président de la Commission de l'Union Africaine. C'est hélas ainsi, sur la scène internationale, vous ne pesez que si vous êtes riche et puissant. Il ne reste pour les Africains qu’à prier pour que les belles promesses faites ne restent pas lettre morte, comme l’engagement d’il y a 30 ans des mêmes pays riches à consacrer annuellement 0,7% de leur PIB à l’aide publique au développement. Mais ça, c'est une autre paire de manches.

Les États-Unis ou l’orgueil blessé du Maître

On le sait, le Sommet de Londres était l'occasion pour le nouveau Président américain Barack Obama de passer son premier gros test international. La rupture avec l'ère Bush, voire avec la politique américaine initiée depuis Ronald Reagan, semble consommée. "Dans un monde aussi complexe qu'il l'est désormais, il est très important pour nous de fonder des partenariats, et non d'imposer des solutions", a affirmé lors du sommet le dirigeant américain, incontestablement «la star » du Sommet. Barack Obama a d'ailleurs mis en pratique ses déclarations puisqu'il a dû renoncer à demander au G20 de fixer un objectif sur les relances fiscales, devant l'opposition du couple franco-allemand. Ce recul d'Obama est en partie dictée par le pragmatisme, car son pays ne peut plus légitimer à l'échelle internationale sa domination sans partage par sa toute-puissance financière: les ressources américaines sont désormais tournées vers le colossal plan de relance concocté par son administration. En outre, cette crise, la plus grave depuis la Seconde guerre mondiale, est celle de la finance à l'anglo-saxonne. Or la dérégulation a servi depuis plusieurs années la stratégie des Etats-Unis pour accroître la "financiarisation" de l'économie, donc leur propre influence. Après avoir gesticulé, au risque de paraître ridicule, en menaçant de quitter le sommet s’il n’était pas satisfait de la tournure des débats, Nicolas Sarkozy a argué jeudi que le dernier sommet du G20 scellait la fin du modèle anglo-saxon de marché. C'est sans doute très excessif, exagérément optimiste diraient certains, mais les Etats-Unis ont à coup sûr perdu de l'influence. Que Russes et Chinois évoquent, même sachant que la concrétisation n’est pas pour demain, la fin du règne du King Dollar dans le système monétaire international, est un signe des temps qui ne doit pas laisser Barack Obama indifférent.

Le FMI, probablement le véritable gagnant du sommet

"Les dirigeants du G20 ont envoyé aujourd'hui un message fort: la communauté internationale est déterminée à soutenir ces pays, y compris en veillant à ce que le FMI dispose des ressources nécessaires", a déclaré Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds, après le sommet. À première vue, l'organisation a tout gagné en obtenant un triplement de ses ressources. Le FMI disposera immédiatement de 250 milliards de dollars supplémentaires pour mener à bien ses missions, grâce aux engagements du Japon, de l'Union Européenne et de la Chine. Ce montant sera par la suite porté à 500 milliards de dollars par d'autres contributions. En outre, le Fonds pourra émettre de nouveaux "Droits de Tirage Spéciaux" (DTS), l'unité de compte propre à l'organisation basée sur un panier de devises incluant le dollar, le yen, l'euro et la livre sterling, pour apporter 250 milliards de dollars de liquidités internationales supplémentaires. Ce changement de dimension à 1 000 milliards de dollars permettra au FMI d'apporter davantage de soutien aux maillons faibles de l'économie mondiale, dont les pays africains devant lesquels Dominique Strauss-Kahn avait lancé un appel en direction des pays riches lors de la conférence de Dar es Salam (Tanzanie) à la mi-mars. Mais déjà, à brève échéance, le Fonds va pouvoir rassurer sur sa capacité d'aide aux pays d'Europe de l'Est notamment, sévèrement secoués par la crise et identifiés par de nombreux économistes comme une menace majeure pour la stabilité mondiale. Dans ce grand plébiscite mondial, le communiqué du FMI est plutôt tout en sobriété. Le Fonds s’est voulu beau joueur, puisqu'un an plus tôt, les grandes nations l'avaient vertement tancé dans un contexte tendu marqué notamment par une baisse des prêts aux économies en difficultés. Simon Johnson, l’ancien économiste-chef du Fonds cité par l’Agence Bloomberg, a ironisé : « Il y a un an, les mêmes pays avaient forcé le FMI à lancer une série de réductions budgétaires très préjudiciables... Maintenant on demande au FMI de revenir à la rescousse. Je pense que la motivation du jour est 'Oups, désolé. S'il vous plaît, revenez aider les pays avec beaucoup d'argent' ».
L'influence de l'organisation sera également accrue par un élargissement de sa base décisionnaire aux nations dont l'expansion économique le justifie. Dans son communiqué final, le G20 s'est dit attaché à la réforme des quotes-parts telle qu'annoncée en avril 2008, qui devrait être mise en place début 2011. Nul doute que les pays "BRIC" (Brésil, Russie, Inde, Chine) acquerront davantage de pouvoir, ainsi qu'ils l'ont appelé de leurs vœux lors d'un sommet commun 15 jours auparavant. Cela ira de pair avec la hausse de leurs contributions, logique au regard de leur croissance sur l'échiquier mondial. Or qui dit montée du pouvoir des "BRIC" dit aussi, dans une certaine mesure, recul une fois de plus, de l’hégémonie américaine au sein de cette IFI.

Cela étant dit, si des leçons doivent être tirées des origines de la crise actuelle par la maison FMI, l'une d'elles est que la politique de deux poids, deux mesures qui a présidé à son fonctionnement jusqu'à ce jour ne peut plus continuer. Le Fonds ne devrait plus se permettre d'imposer la rigueur financière et économique aux pays pauvres tout en laissant les pays riches jouer aux apprentis sorciers d'un capitalisme sans visage, dont les excès ont produit depuis l'Amérique, l'onde de choc que l'on sait. La réforme que tout le monde appelle de ses voeux ne doit pas se satisfaire de mesures cosmétiques, mais procéder à une véritable refondation.

La Chine ou « l’invitée sans surprise » du « Nouvel Ordre Mondial »

Il ne serait pas exagéré de dire que les héritiers de Deng Xiaoping ont su tirer les marrons du feu lors du sommet. Il faut rappeler que ce ne sont pas les Etats-Unis mais bien la Chine qui a apporté la rallonge nécessaire (40 milliards de dollars) au doublement des ressources immédiates du FMI, aux côtés du Japon et de l'UE (100 milliards de dollars chacun). Il y a peu, Washington se serait sans doute opposé à cette innovation, pour éviter de diluer son emprise financière et donc décisionnaire sur le Fonds. Il semble que cette contribution eut été débloquée en échange d'un engagement du G20 à réformer rapidement le FMI, ce à quoi les États-Unis auraient pu difficilement faire obstacle, pour les raisons que nous évoquions précédemment. La Chine devrait donc jouer un rôle grandissant au sein de cette organisation, à la mesure de son expansion économique. Elle devrait devenir rapidement l'un de ses principaux bailleurs de fonds, et y accroître en conséquence son pouvoir décisionnaire. Dans un article intitulé "G20, Les gagnants et les perdants", le quotidien britannique The Telegraph assigne un 8 sur 10 à la Chine au sortir de la réunion, la meilleure note devant la France (7/10, pour la gestion du sommet "à l'ancienne" de Nicolas Sarkozy), alors que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont en queue de peloton avec 6/10.
L’avenir dira si le «Nouvel Ordre Mondial» annoncé par Gordon Brown jeudi a écrit à Londres ses premières lettres en inaugurant ce qui pourrait être un passage de pouvoir pour le leadership mondial, entre les Etats-Unis et la Chine. D’ici là et sans doute pour longtemps encore, la Chine sait très bien qu’elle ne peut pas se passer des Etats-Unis et vice versa. Une grande partie de l’endettement américain est détenu par l’épargne chinoise. Si les Etats-Unis s’écroulent, la Chine plonge. Chacun est assis sur une bombe : Barack Obama sur la bombe de la dette publique américaine, Hu Jintao sur la bombe démographique chinoise, une population chinoise qui a fini par prendre l’habitude de la croissance et de l’enrichissement et dont nul ne sait comment elle réagirait si elle devait être confrontée à une crise à l'ampleur de celle qui continue de secouer les Etats-Unis.

Ce qui est certain, c'est que Londres aura été une étape décisive dont nous ne savons peut-être pas encore exactement ce sur quoi elle débouchera.

jeudi 19 mars 2009

AVEC BENOIT XVI, LE VATICAN A SA "MACHINE À GAFFES"


On connaissait Joe Biden, de son vrai nom Joseph Robinette Biden, surnommé « The gaffe machine » pour ses sorties abracadabrantesques capables de mettre dans l’embarras son propre camp politique, pour le grand bonheur des Républicains américains. Mais le Vice-Président catholique choisi par Barack Obama devra désormais compter avec « la rivalité » que lui fait un autre Joseph, en la personne du Chef de l’État du Vatican, également Guide Spirituel reputé « Infaillible » pour une Église catholique qui semble avoir tout le mal du monde à accorder sa doctrine millénaire à l’évolution d’une société post-moderne qui n’a rien à avoir avec l’époque où les Rois du vieux continent faisaient allégeance au Prince de Rome.

C’est que le successeur de Jean-Paul II, l'ancien Cardinal Joseph Ratzinger, n’a pas fini de défrayer la chronique depuis son élection au pontificat de Rome. Pour ne relever que les faits les plus saillants, on se souviendra de la polémique soulevée peu après son élection en 2005, à Ratisbonne, lors d’un discours dans lequel l’Islam aurait été présenté comme une religion intolérante et fondée sur la violence. Le tollé fut général dans le monde arabo-musulman, la cause entendue; celui que ses contempteurs avaient surnommé naguère le Panzercardinal à cause de ses origines allemandes, mais surtout de son passage dans les jeunesses hitlériennes durant la IIème Guerre Mondiale, avait dû s'expliquer, clarifier sa pensée et présenter ses excuses. Celui que d'aucuns avaient déjà désigné quelques années auparavant comme le chef de file des "théocons" (entendez théologiens conservateurs), par analogie aux "néocons", les néo-conservateurs de l'ère Bush, venait d'annoncer les couleurs de ce que serait son pontificat.

2009, rebelote ! En février, la « Williamson gate », du nom de cet évêque intégriste dont Benoït XVI a levé l'excommunication au moment même où celui-ci tenait des propos négationnistes repris par plusieurs médias à travers le monde. Si le Pape a pu ignorer la teneur des déclaration de cet Évêque sulfureux qui officiait en marge de l’Église depuis l’Argentine, personne n’a par contre compris pourquoi, malgré le tollé qui s’en est suivi, Benoît XVI a tardé à réagir. À trouver les mots justes pour expliquer qu'il condamne fermement le négationnisme, mais que son but est de rassembler son église, notamment dans une Europe où la foi chrétienne est en perte de vitesse, où la spiritualité en est réduite à sa plus simple expression. Dans une lettre adressée alors aux évêques du monde entier, Benoît XVI a préféré jouer la carte du bouc émissaire, alors même qu’en public il venait de faire ce qui aurait pu être assimilé à un mea culpa, se reprochant de n'avoir pas "suivi avec attention les informations auxquelles on peut accéder sur Internet". À ses lieutenants, il dira plutôt : "On a parfois l'impression que notre société a besoin d'un groupe (...) contre lequel on peut tranquillement se lancer avec haine", en référence aux intégristes. "Et si quelqu'un ose s'en approcher - dans le cas présent le pape - (...) il peut lui aussi être traité avec haine sans crainte ni réserve", affirmait-il. Bref, il avait « Joe-bidené », mais c’était pas sa faute, c’était les autres qui étaient ivres de haine. N'est-ce pas le degré zéro de la communication pour un personnage d'une si grande envergure ?

Toujours en février, survient le drame vécu par cette petite brésilienne de 9 ans, violée par son beau-père, qui a avorté de jumeaux alors qu'elle était enceinte de quinze semaines. L'évêque de Récife a prononcé l'excommunication de la mère de la fillette et de l'équipe médicale. Aucun blâme, en revanche, contre le violeur, qui devrait continuer à partager le « Saint Sacrement ». Le Vatican a validé, puis justifié cette accablante décision : "Il faut toujours protéger la vie". Mais sur cette affaire qui en a bouleversé plus d’un, la voix papale n’arrive pas à empêcher une vraie cacophonie au Vatican. Dans une tribune publiée dans le journal du Vatican « L'Osservatore Romano », l'archevêque Rino Fisichella, président de l'Académie pontificale pour la vie, estime pour sa part que les médecins ne méritaient pas l'excommunication car leur intention était de sauver la fillette, dont la vie était menacée selon eux par la poursuite de sa grossesse. Il le fait savoir : «Avant de penser à une excommunication, il était nécessaire et urgent de sauvegarder la vie innocente de la fillette pour la ramener à un niveau d'humanité dont nous, hommes d'Église, devrions être les experts et les maîtres», écrit Mgr Fisichella. Tout en rappelant que l'avortement est toujours une «mauvaise» chose, l'archevêque note que la proclamation publique de l'excommunication «nuit malheureusement à la crédibilité de notre enseignement, qui apparaît, aux yeux de beaucoup, comme insensible, incompréhensible et manquant de miséricorde». Mais le Pape, lui, doit penser autrement et pour quiconque en douterait, il vient de réitérer ce vendredi 20 mars, à son arrivée en Angola, deuxième étape de sa tournée africaine, « l’opposition de l’Église à l’avortement, y compris à de fins thérapeutiques ». On ne peut pas être plus clair. Je traduis donc : «Malheur aux violées, malheur aux porteuses des grossesses à hauts risques… ou plutôt, heureuses les femmes qui les subissent, car le Royaume des Cieux est à elles ». Vraiment ?

L’Afrique, donc. Nous sommes en mars, le voici qui débarque en terre d’Afrique, une terre qui constitue encore, avec l’Amérique latine, l’un des rares fronts où l’Église catholique n’a pas encore définitivement perdu la guerre de la foi. Dans l’avion qui le conduit au Cameroun, Benoît XVI déclare sans broncher qu’ « on ne peut pas régler le problème du sida avec la distribution de préservatifs. Au contraire, leur utilisation aggrave le problème.» Ces propos, prononcés à l’adresse d’un continent qui est le plus touché par la pandémie, continuent à soulever un tollé à la mesure du crédit que des milliers de croyants Africains, du haut de leur crédulité, peuvent y accorder. Politiciens, médecins et responsables d’ONG ont fermement condamné les propos du souverain pontife, jugés graves et irresponsables. Une nouvelle fois, même des Évêques catholiques prennent le risque de mécontenter leur chef et montent, à nouveau, au créneau. S'ils partagent le fond de la pensée de leur guide spirituel, en référence à la chasteté et à la fidélité dans le lien du mariage, ils considèrent cependant que les propos du pape sont de nature à faire plus de mal que de bien à des Africains totalement désarmés face au SIDA. Alain Juppé, Maire de la ville de Bordeaux et ancien Premier Ministre sous Jacques Chirac, figure parmi les personnalités politiques non-Africaines qui ont commenté les propos de Benoît XVI : "Aller dire en Afrique que le préservatif aggrave le danger du sida, c'est d'abord une contrevérité et c'est inacceptable pour les populations africaines et pour tout le monde", a-t-il déclaré lors d'une interview accordée à la Chaîne France Culture. "Ce pape commence à poser un vrai problème, je sens autour de moi un malaise profond", a ajouté M. Juppé, qui a "l'impression que le pape vit dans une situation d'autisme total". Même son de cloche du côté des associations de lutte contre la pandémie qui sur terrain, évoquent toutes les difficultés qu’elles vont devoir surmonter pour mener de coûteuses campagnes de sensibilisation afin de remettre les pendules à l’heure après les propos de celui dont chaque phrase est considérée par ses ouailles comme "parole d'Évangile", au propre comme au figuré. Surtout lorsque ces ouailles ont un niveau d'éducation aux antipodes du théologien et érudit qui leur parle du haut de sa chaire papale. J'ai envie de crier : "Au secours, Jesus! Reviens !"

BÉNOIT XVI AURAIT EXCOMMUNIÉ JÉSUS EN PERSONNE

Si je ne m’attends pas à ce qu’un pape cautionne les mœurs qui s’inscrivent en rupture avec la foi dont il est le garant spirituel, je me demande néanmoins si Benoît XVI, en raison de ce que M. Juppé qualifie d'« autisme total», n’aurait pas excommunié Jésus en personne s’il avait vécu en 2009, tellement leurs styles semblent dichotonomiques. En effet, qu'il suffise de citer l'épisode où Jésus refuse de condamner une femme adultère, qui, selon la Loi, doit être lapidée, et lance aux ultralégalistes de son époque : "Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre" (Jean, 8). Lui-même a plusieurs fois transgressé la loi religieuse lorsque les circonstances de l’espèce l’exigeaient, en particulier pour venir en aide aux malades, justement. Dostoïevski avait imaginé que si Jésus était revenu dans l'Espagne de Torquemada, il aurait été condamné au bûcher pour avoir prêché la liberté de conscience. Je me demande donc, dans l'Église de Bénoît XVI, s'il ne serait pas excommunié pour avoir prôné le dépassement de la loi par l'amour du prochain. Un disciple de loin plus zélé que son maître, un pape visiblement plus chrétien que le Christ en personne. Allez-y donc comprendre !
Ce qui est sûr, c’est que les prises de positions de ce pape qui marquera sans doute l'histoire à sa manière, qu’elles relèvent de vraies bourdes ou d’un autisme assumé au nom de la préservation d’une foi menacée autant par la modernité que par une mondialisation capitaliste jugée déshumanisante, risquent d'être autant de remèdes pires que les maux contre lesquels ils sont censés être prescrits. Pas seulement pour les Africains, mais avant tout pour une Église malade de son incapacité avérée à vivre avec son temps. À moins que le Maître ne revienne vite mettre lui-même fin à cette "sainte confusion " ?

dimanche 8 mars 2009

COLETTE BRAECKMAN RÉVÈLE LA MAIN SECRÈTE DE BARACK OBAMA DANS LA TOURNURE DU CONFLIT RWANDO - CONGOLAIS

S'il est des journalistes occidentaux dont l'épithête de Spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs est loin d'être usurpée, Colette Braeckman, la journaliste et grand reporter du Soir de Bruxelles en est une. Auteure de plusieurs ouvrages sur cette région tumultueuse du continent africain, celle qui a réussi - y a-t-il meilleur signe de professionnalisme ? - de se faire taxer à la fois de pro-congolaise et de pro-rwandaise par les deux camps d'un conflit qui n'a pas fini de déchaîner les passions, revèle à ses lecteurs les dessous des cartes du rechauffement spectaculaire des relations entre Kigali et Kinshasa dans les semaines qui ont précédé l'entrée à la Maison Blanche de Barack Obama. Je vous laisse découvrir, in extenso, le texte qu'elle vient de publier, lequel met en lumière l'ombre du nouveau Président Américain dans le développement, sur fond de polémique, du règlement du différend congolo-rwandais :
CONGO - RWANDA : LE PREMIER SUCCÈS DIPLOMATIQUE DE BARACK OBAMA - Par Colette Braeckman
Avec effusion, des officiers congolais prennent congé de James Kabarebe, le chef d’état major rwandais, hier encore considéré comme l’ennemi numero un. Des journalistes rwandais invités à Goma fraternisent avec leurs collègues congolais. Les deux pays vont échanger des ambassadeurs, normaliser leurs relations. Et surtout, le Rwanda garde en détention Laurent Nkunda, séquestré dans une résidence de Gisenyi, tandis que les Congolais assurent aux combattants hutus qui campent sur leur territoire depuis quinze ans que « le temps de l’hospitalité est terminé » et qu’ils sont bien résolus à les forcer au retour. Même si les opérations ne sont pas terminées, 1300 combattants et 4000 civils ont déjà été rapatriés au Rwanda et chaque jour le HCR enregistre de nouveaux candidats au retour. Ce virage à 180 degrés, qui permet enfin d’espérer le retour de la paix dans les Grands Lacs, n’a pas fini de surprendre les Européens et il passera peut –être à l’histoire comme le premier succès diplomatique de Barack Obama.
En juillet 2008, les signes annonciateurs d’une nouvelle guerre se multiplient : les hommes de Nkunda se sont retirés du processus de paix, à Kinshasa les Tutsis dénoncent l’exclusion dont ils seraient victimes. Une délégation de la société civile congolaise décide alors de se rendre à Washington et de tirer les leçons de l’échec patent des processus en cours : la « tripartite plus », la « facilitation internationale », la conférence sur la sécurité dans la région des Grands Lacs… Prenant la température politique des Etats Unis, où les chances de succès d’Obama augmentent, les Congolais prennent alors contact avec le staff du candidat démocrate. Bientôt rejoints par Mgr Maroy, l’archevèque de Bukavu, ils s’entretiennent longuement avec un certain Emmanuel Rahm, qui deviendra chef de campagne puis directeur de cabinet d’Obama, avec John Swain, ancien conseiller politique à l’Ambassade US de Kinshasa, chargé des affaires africaines au Département d’Etat, avec un représentant de l’USAID, sans oublier Howard Wolpe, ancien envoyé spécial de Bill Clinton pour les Grands Lacs. Les représentants de la société civile dénoncent les violences faites aux femmes, la reprise de la guerre qui semble imminente, ils soulignent le pillage des ressources et rappellent que le site de Walikale ne contient pas seulement du coltan, mais qu’on y trouve aussi de l’uranium tandis que la mine de Lueshe contient d’importants gisements de niobium, qu’on appelle aussi « pyrochrore ». Ils soulignent la menace que représenterait une « somalisation » de l’Est du Congo, qui pourrait tomber aux mains d’intérêts mafieux et relèvent que lors de plusieurs interviews, et notamment dans le documentaire de Patrick Forestier : « du sang dans nos portables », sorti en décembre 2007, Laurent Nkunda a déclaré « j’ai des Arabes avec moi »… Surpris, les Congolais découvrent des interlocuteurs très informés. Emmanuel Rahm leur rappelle que le sénateur Obama, qui suit de près la question déjà envoyé quatre documents au Sénat américain à propos du Congo et adressé une lettre à Condolezza Rice sur la question de la guerre et des violences sexuelles dans ce pays. Les Américains se disent très préoccupés par deux mouvements qu’ils considèrent comme terroristes, la LRA (armée de résistance du Seigneur) en Ouganda, dont les combattants sont réfugiés dans le parc de la Garamba, et les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda). Les Congolais les persuadent aussi du danger que représente Nkunda. A l’issue de ces entretiens, ils sont à leur tour convaincus d’un autre impératif : la nécessité de normaliser les relations avec le Rwanda. Ils décident de porter ce message à Kinshasa.
Depuis Bruxelles, Louis Michel (Commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire, ndlr) plaide dans le même sens, et essaie depuis longtemps de relancer la conférence économique des pays des grands lacs, mais Kigali se tourne vers l’Afrique de l’Est tandis qu’à Kinshasa la méfiance prévaut. Les réticences des Congolais sont d’autant plus vives que le 28 août, la guerre reprend. Les défaites de l’armée congolaise sont cinglantes, et le 29 octobre, Nkunda menace de s’emparer de Goma. Il en sera dissuadé par le Rwanda, non seulement parce que le président Kagame estime que le général rebelle va trop loin, mais aussi parce que les Américains interviennent. Prendre Goma signifierait d’ailleurs chasser la MONUC et marquerait l’échec cuisant de la Communauté Internationale ! Louis Michel de son côté se précipite à Kinshasa durant le week end de Toussaint, il encourage une rencontre à Nairobi le 07 novembre 2008 , entre deux hommes qui ne se sont plus parlés depuis des mois, les présidents Kagame et Kabila (ci-dessus à droite, ndlr). En présence de plusieurs chefs d’Etat africains, les griefs sont déballés de part et d’autre. Un processus de négociation entre les autorités congolaises et le CNDP se met alors en place sous la houlette de l’ancien président du Nigeria Olusegun Obasanjo, appuyé par l’administration Bush, et par Benjamin Mkapa, l’ancien président tanzanien soutenu par l’Union africaine. Les Congolais découvrent que parmi les conseillers de ces deux hommes figurent des personnalités qui ont été impliqués dans le processus de paix au Sud Soudan, qui mènera probablement à l’indépendance de la province. Au cours des négociations, il est question de révision des frontières et d’un changement de constitution. Les exemples du Sud Soudan, de Zanzibar, voire du Kosovo sont régulièrement cités. Le président Kabila fait savoir à ses émissaires que, s’il accepte de discuter des problèmes du Kivu, et en particulier des Tutsis, il n’est pas question de toucher à la Constitution, aux institutions de la république et encore moins aux frontières du pays.
Pendant que les rounds de négociation se poursuivent à Nairobi, encouragées par les Européens, une autre diplomatie s’active dans les coulisses. Les Américains insistent, ils rappellent que depuis deux ans au moins ils ont déclaré que les seuls à pouvoir « faire le sale boulot », c’est-à-dire inciter les FDLR à quitter le Congo, ce sont les Rwandais eux-mêmes car eux seuls en ont la motivation et les moyens. A ce même moment, rappelons que les Angolais, pressentis pour intervenir au Kivu, se défilent tandis que les Européens tergiversent et renonceront finalement à envoyer une force intermédiaire qui permettrait d’attendre les 3000 hommes qui doivent venir en renfort pour la Monuc. Plus que jamais, les Américains plaident en faveur d’ un rapprochement entre Kagame et Kabila, un langage que tient également Louis Michel. Dès le lendemain de son élection, Obama appelle les deux chefs d’Etat. Son message est clair : une solution doit être trouvée, de préférence avant son investiture. Il faut mettre fin au problème des FDLR qui empoisonne la région depuis quinze ans, il faut aussi mettre la LRA hors d’état de nuire. Reste alors à activer une diplomatie secrète entre les deux capitales ; du côté congolais, le général John Numbi, un homme de confiance du président, est à la manœuvre et se rend plusieurs fois à Kigali, à la tête de très discrètes délégations, surtout composées de Katangais, dont Katumba Mwanke. Quant à Kagame, il envoie à Kinshasa son chef d’état major, James Kabarebe, qui s’entretient longtemps avec un Joseph Kabila qu’il connaît depuis 1996. A la surprise de Kinshasa, James, au lieu d’aborder tout de suite la question des FDLR, explique le souci que Laurent Nkunda représente pour Kigali : il mène campagne dans les camps de réfugiés congolais au Rwanda, flirte avec la francophonie, critique les anglophones du Rwanda et attire sur Kigali les foudres de plusieurs pays (Pays Bas, Norvège, Suède) qui menacent de suspendre leur coopération tandis que les Britanniques eux-mêmes exercent de sérieuses pressions. Une double décision est prise alors : entamer une opération conjointe pour provoquer le retour des combattants hutus, mais surtout neutraliser Laurent Nkunda. Un interlocuteur rwandais nous confirme « le sort d’un individu ne pèse pas devant les raisons de deux Etats. » Reste à convaincre les officiers du CNDP. Le général Bosco Ntaganda est « retourné », car une vieille rivalité oppose cet homme originaire du Masisi à Laurent Nkunda qui est de Rutshuru. James Kabarebe pèse dans la balance : il convoque l’état major du CNDP, et déclare en swahili « vous allez signer, suivre Bosco. Sinon, le jour où vous me chercherez vous ne me trouverez plus… » Chacun comprend que c’est une question de vie ou de mort et l’état major bascule. Après s’être entretenu avec James, Kabila prend une décision à hauts risques politiques : il laissera entrer l’armée rwandaise sur le sol congolais et cela avant l’investiture d’Obama. Le 19 janvier, veille de l’expiration de l’ultimatum américain, les premières unités de l’armée rwandaise passent la frontière à Kibumba et Kibati. Leur mission officielle est la traque des FDLR. Mais auparavant elles ont un autre objectif à atteindre : neutraliser les trois bataillons demeurés fidèles à Nkunda, dont l’un est composé de démobilisés du Burundi.
Lorsque les troupes rwandaises arrivent au Kivu et font leur jonction avec les hommes commandés par le général Numbi, les derniers fidèles des Nkunda comprennent qu’ils n’ont pas le choix : ils rejoignent les forces coalisées et sont immédiatement envoyés en opération. Au même moment, l’armée congolaise, dans le Nord du pays, est engagée dans une opération similaire avec l’armée ougandaise, contre les rebelles de la LRA. Les conséquences de ce retournement inouï de la donne sont immédiates : signature de la cessation de la guerre, récupération des territoires anciennement sous contrôle du CNDP. Entre temps, les négociations de Nairobi sont « délocalisées » à Goma, la nouvelle direction politique du CNDP ayant déclaré vouloir traiter directement « entre Congolais » avec le gouvernement, sans « interprètes » ; la Monuc et les autres instances internationales sont prises de court, n’ayant pas été « consultées » lors de la prise des décisions. Alors que durant des mois les médiateurs et autres facilitateurs internationaux ont rencontré sans broncher Laurent Nkunda et son chef d’état major Bosco Ntaganda, ils s’avisent soudain que ce dernier est visé par un mandat d’arrêt international et boycottent les réunions où assiste celui qui facilite l’intégration du CNDP dans l’armée et la fin des hostilités; la facilitation internationale se plaint d’avoir été court circuitée et Obasanjo qui se voyait sans doute en place pour plusieurs années proteste jusqu’à New York…
Entretemps à Kinshasa, la classe politique se divise et une crise au sein de l’AMP prend des allures inquiétantes à cause des déclarations faites par le Président du Parlement Vital Kamerhe le jour où les troupes rwandaises sont entrées au Congo, il n’accepte pas de ne pas avoir été informé d’une opération qui, pour réussir, devait obligatoirement demeurer secrète. Désireux d’apaiser une opinion échauffée, le Président Kabila informe les responsables des institutions, et, alors que ce n’ est pas dans ses habitudes, rencontre à Kinshasa la presse nationale et internationale, l’informant des tenants et aboutissants du processus en cours… Désireux de faire comprendre la nouvelle donne aux populations de l’Est, violemment hostiles à l’entrée de l’armée rwandaise, le président accorde, en swahilli, une longue interview, au micro de l’Abbé Jean Bosco BAHALA, président des Radios communautaires du Congo,un des acteurs-clé, avec l’Abbé Malu-Malu, du processus de paix.

Depuis lors, les troupes du CNDP sont pratiquement intégrées dans les FARDC, les autres Groupes armés ont décidé de rejoindre sans atermoiement le processus, les troupes rwandaises ont été raccompagnées à la frontière au milieu d’une foule très chaleureuse, Kabila et Museveni se sont rencontrés à Kassindi, à la frontière entre le Congo et l’Ouganda. Désormais, on n’attend plus que la signature à Goma de l’Accord Global entre le Gouvernement, le CNDP et le Groupes Armés, ainsi que la réouverture de la CEPGL et des Ambassades entre le Rwanda et la RDC. Pour couronner le tout, les Etats-Unis viennent de promettre au Congo une aide impressionnante, qui dépasse de loin les budgets européens… Si le président Obama fait escale à Kinshasa lors d’une prochaine tournée africaine, on peut déjà imaginer l’accueil qui lui sera réservé…

Je trouve cet éclairage de Colette Braeckman assez instructif mais dans un conflit où les populations de l'Est du Congo ont assisté à de nombreuses reprises aux lendemains qui déchantaient, je préfère attendre de voir où tout cela va mener. Si l'implication de la nouvelle administration dirigée par Barack Obama rompt effectivement avec le soutien inconditionnel que les deux précédentes administrations ont apporté à Kigali et à Kampala depuis 1996, alors peut-être assisterons-nous enfin au retour tant attendu d'une paix durable entre des peuples condamnés par le destin à vivre en harmonie, pour qu'enfin commence la seule battaille qui vaille la peine dans cette région du monde : celle du développement dans la démocratie.

mercredi 4 mars 2009

CRIMES AU DARFOUR : CONTROVERSE AUTOUR DU MANDAT D'ARRÊT LANCÉ PAR LA CPI CONTRE LE PRÉSIDENT SOUDANAIS

Le Statut de Rome le prévoyait dès 1998, mais au sein de la communauté internationale et même parmi les juristes les plus « progressistes », on se demandait si la Cour Pénale Internationale afficherait réellement son indépendance vis-à-vis du fait politique au point de franchir un jour le Rubicon : lancer les poursuites et inculper un Chef d’État en exercice pour crimes de guerre, crime de génocide ou crimes contre l’humanité. Ce mercredi 4 mars 2009, à La Haye, le Parquet de la CPI que dirige Luis Moreno-Ocampo a écrit une nouvelle page de l’histoire de la justice pénale internationale en lançant un mandat d’arrêt contre le Général Omar Al-Bachir (photo en médaillon), le « Saigneur » du Sud-Soudan, Grand Dictateur devant Allah ! Entre les cris d’Orfraie de certains de ses pairs – à qui le Président de la Commission Africaine, le Gabonais Jean Ping apporte sa caution – et les inquiétudes de ses amis Russes qui par la bouche de Dimitri Medvedev se disent préoccupés par un « dangereux précédent », je voudrais ici réponde rapidement à deux questions :

1) La CPI verse-t-elle dans une dérive anti-Africaine en ne poursuivant que des Africains (accusations de J. Ping et du Président Sénégalais Abdoulaye Wade, entre autres) ?
D’abord, une Vérité de la Palice : pour renforcer sa crédibilité, la CPI ne pourra pas faire l’impasse sur les crimes de mêmes qualifications commis ailleurs, dans les limites de ses compétences rationae personae et rationae temporis. Elle ne pourra pas se le permettre, elle n’aura pas d’alternative. Son Procureur a déjà abondé dans ce sens à plusieurs occasions. Laissons-lui donc le temps.
- Non, ce n’est pas la CPI qui a contraint la République Démocratique du Congo, pays africain dont deux ressortissants sont actuellement poursuivis à La Haye, de la rendre compétente vis-à-vis de ses nationaux en ratifiant le Statut de Rome. Précisons toutefois que cette assertion ne serait pas valable pour le cas Omar Al-Bachir, le Soudan n’étant pas un État partie audit Statut. En fait, alors que les poursuites lancées contre l'ancien chef de milice congolais Thomas Lubanga résultaient d'une demande expresse de la RDC en direction de La Haye, la saisine de la CPI concernant le Darfour a été décidée par le Conseil de sécurité de l'ONU dans sa résolution 1593 (2005). Celle-ci constatait que la situation au Soudan continuait de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales, ce qui suffisait, conformément au Statut de Rome (voir article 18), à la faire tomber sous la compétence de la Cour.
- Non, ce n’est pas parce que d’autres criminels présumés se la coulent encore douce sous d’autres cieux qu’il faille, là où la justice nationale s'avère incapable d'opérer contre les auteurs présumés des crimes évoqués alors que se poursuivent les violations les plus graves des droits de l'homme, surseoir le déclenchement des poursuites jusqu’à ce que la Cour se soit penchée de façon « égalitaire » sur les crimes présumés des Américains, des Européens , des Asiatiques et des Océaniens.
- Non, il ne s’agit pas, alors pas du tout, de jouer les équilibristes avec les origines des criminels présumés, sous prétexte de satisfaire le « politiquement correct », au risque de cracher sur la mémoire des victimes de ces crimes, Noires ou Rouges soient-elles. L'Afrique a souffert et souffre encore, il faut l'admettre, de beaucoup d'ingérences néfastes des puissances occidentales. Mais comment ne pas observer que les mêmes voix qui se lèvent contre la décision de la CPI sont aussi et avant tout celles de ces dirigeants corrompus qui tirent profit d'opaques combines Nord - Sud pour se maintenir au pouvoir contre le gré de leurs peuples, d'un bout à l'autre du continent ?
- Non, une pseudo-paix qui se gagnerait au prix de l’impunité pour des crimes aussi gravissimes est tout sauf ce dont l’Afrique a besoin pour conjurer les vieux démons de l’autoritarisme et de l’absolutisme qui sont les principales entraves au développement de ce continent ! Car si le crime de génocide devait être soluble dans une supposée "recherche de la cohésion nationale", pourquoi d'autres Omar Al-Bachir, aux quatre coins du monde, devraient-ils hésiter une seule seconde avant d'envoyer leurs apprentis sorciers semer la mort et la désolation pour des milliers de civils sans défense ?

2) La question de l’absence d'immunités étant réglée par le Statut de Rome, Omar Al-Bachir, Chef de l’État du Soudan, peut-il être tenu pour pénalement responsable des faits commis par les miliciens Janjawid et des unités de son armée, une décennie durant, dans la région du Darfour ?
Si l’intéressé s’en défend et nargue la CPI depuis son palais de Khartoum, d’anciens exécutants de ces crimes délient les langues dans un implacable acte d’accusation que l’ONG « Aegis Trust » a rassemblé dans un reportage de 20 minutes que j’ai voulu vous faire partager. Je mets au défi les thuriféraires de la « fierté africaine » de regarder et d’entendre tout cela et de se contenter ensuite de dire : « C’est quoi, cette justice de Blancs qui ne s’attaque qu’aux Africains ? ». Regardez donc, c’est ici :

Autant je m’indigne contre les entraves juridiques et extra-juridiques à la poursuite des criminels qui se sont rendus coupables des pires atrocités en Irak, à Guantanamo, à Gaza, dans le Caucase, en Colombie ou ailleurs, autant je me réjouis qu’un homme qui s’est cru au-dessus de toutes les lois du monde au point d’avoir droit de vie et de mort sur ses semblables ait à répondre devant les juges de ce qui lui est reproché. Quant aux autres, à moins qu’ils puissent être maîtres du temps, qui sait de quoi demain sera fait ?
Ce matin, un de mes étudiants, cadre dans un ministère fédéral canadien, m'a demandé si la décision de la CPI "ne serait pas vue par les Africains comme un acte délibérément dirigé contre eux". Je lui ai répondu que le tout dépendait de "quels Africains" il parlait. Nous n'avons toutefois pas discuté du sujet, je devais partir. S'il lit les lignes qui précèdent, j'ose espérer qu'il comprendra mieux le sous-entendu de ma réponse qui a dû lui sembler énigmatique.

jeudi 26 février 2009

DOCTEUR SARKOZY AU CHEVET DU "VENTRE MOU" DE L'AFRIQUE : REMÈDE-MIRACLE OU MIRAGE D'UN NÉO-COLONIALISME QUI N'A PAS FROID AUX YEUX ?



Arrêt sur les "Propositions françaises sur le retour de la paix et de la stabilité dans la région des Grands Lacs"

Le Président Français, dont les sorties hasardeuses sur les questions africaines font désormais florès - on se souviendra des vagues provoquées par le fameux Discours de Dakar et l’assertion selon laquelle « l’Homme africain n’est pas encore suffisamment entré dans l’Histoire » (voir photo) - a encore suscité la polémique lors de son message, le 16 janvier dernier, à l’occasion du traditionnel échange de vœux avec le corps diplomatique accrédité à Paris. Ce jour-là, Nicolas Sarkozy avait décidé de dévoiler ses idées sur la situation critique de l’Est du Congo-Kinshasa et par extension, sur l’instabilité dans la région des Grands Lacs. Il avait ainsi évoqué "la place, la question de l'avenir du Rwanda, pays à la démographie dynamique et à la superficie petite" et "la question de la RDC, pays à la superficie immense et à l'organisation étrange des richesses frontalières". Dans une formule des plus sibyllines, le Chef de l’Etat Français avait plaidé pour une "nouvelle approche" pour régler "de façon globale" les problèmes d'instabilité dans la région des Grands Lacs, devenue le "ventre mou" du continent.
Ces propos avaient suscité une vive polémique en R.D.C. et au sein de la diaspora congolaise, la presse kinoise parlant de projet de balkanisation du pays, au centre de guerres régionales en 1996-1997 et 1998-2003, avant l’épisode actuelle où la rébellion menée hier par un certain Laurent N'kunda – aujourd’hui « arrêté » au Rwanda – passe aux yeux de beaucoup de Congolais pour un épisode de plus dans une macabre saga dont le bénéficiaire immédiat serait le Rwanda. Dans les coulisses des diplomaties française et congolaise, s’ébruitait néanmoins la visite prochaine, courant mars 2009, de Nicolas Sarkozy à Kinshasa. On sait, depuis, que la date du 19 mars a été avancée. Kinshasa où des parlementaires de l'opposition s'étaient dits hostiles à la prochaine visite de « l’Omniprésident » Français, "pour autant qu'elle met en danger les intérêts fondamentaux du peuple congolais". A ceux qui l’interrogeaient, fin janvier, sur les propos de son homologue français, le Président Congolais Joseph Kabila s'était borné à souligner que "les décisions congolaises se prennent ici, pas à Bruxelles, ni à Paris ou Washington". Je vous laisse deviner quelle aurait été, dans les mêmes circonstances, la réponse d’un Abdoulaye Wade ou pire, celle d’un Robert Mugabe – deux Chefs d’Etat avec qui je suis pourtant bien loin d’être d’accord sur tous les points - si cela avait concerné la souveraineté du Sénégal ou du Zimbabwe. Mais là n’est peut-être pas le plus important, Joseph Kabila nous a, hélas, habitués à un style de gouvernance d’une illisibilité souvent déconcertante.
Vous avez dit "quiproquo" ?

Qu’à cela ne tienne donc, l’Elysée, « surpris » par l’interprétation que les Congolais auraient donnée aux propos du Président, a voulu calmer les esprits et rassurer les critiques. Dans une interview qu’il vient d'accorder à la presse écrite congolaise et relayée par l'AFP, Nicolas Sarkozy se défend de prôner le démembrement de la R.D.C. et va jusqu’à marteler que "la souveraineté de la RDC et l'intangibilité de ses frontières sont des principes sacrés. Si un pays continuera de se battre pour garantir leur plein respect, ce sera bien la France". On aurait presque envie de se lever pour une standing ovation.

À mon avis, plusieurs lectures peuvent être faites des positions du Président Français, à l'aune des propos tenus en janvier devant les diplomates puis, deux mois plus tard, devant les médias congolais. D’aucuns pourraient se pencher – si ce n’est déjà fait – sur une possible ambivalence de Sarkozy pour y rechercher la véritable intention d’un Chef d’Etat à la tête d’une ancienne puissance coloniale, par ailleurs incapable de véritablement rompre avec la nébuleuse Françafrique. D’autres pourraient s’attarder sur l’existence réelle ou supposée d’un complot international visant effectivement à démembrer un pays immensément riche potentiellement, mais si mal géré depuis des décennies que sa faiblesse extrême en tant qu’Etat laisse libre cours au mercantilisme trans-national et à l’aventurisme politique des plus affligeants, au cœur d’un continent qui espère toujours le réveil de ce géant trop longtemps assoupi.

Pour ma part, j’ai choisi de laisser à Nicolas Sarkozy, ne serait-ce provisoirement, le bénéfice du doute. Loin d'être synomyme de duplicité, cette position est celle que suggère l'adage du droit coutumier mbala qui recommande au juge devant qui se présente un sot qui ne sait pas tenir sa langue, de rendre justice à celui-ci en le tenant par sa propre turpitude, ne reposant son verdict que sur les allégations, fallacieuses ou véridiques, que le sujet sort lui-même de sa bouche ("Mbi ufuda guda, am'ifuda guyidika"). Ainsi, laissant à d'autres le soin de sonder les reins de Sarkozy, j'ai choisi de m'en tenir au verbe et rien qu'au verbe, me penchant sur les mots que sort le locataire de l'Elysée, lorsqu'il tente de se justifier, de s'expliquer. C'est dans cet esprit que j’aimerais vous inviter à vous pencher sur le contenu des idées qu’il évoque à l’appui de sa volonté déclarée de contribuer, au nom de la France, au retour de la paix et de la stabilité dans la région des Grands Lacs. Ces idées sont contenues dans un document récemment concocté par les services du Président Français intitulé « Propositions françaises sur le retour de la paix et de la stabilité dans la région des Grands Lacs ». Je vous en reproduis la quintessence, ci-dessous, avant de vous inviter à livrer vos avis :

"1) Les violences perpétrées ces derniers mois à l'Est de la RDC apparaissent comme le quatrième épisode, en 10 ans, d'un «même conflit» dont les causes sont profondes: économiques (les richesses congolaises attirent toutes les convoitises tout en nourrissant la guerre), politiques, foncières, etc.
A l'exception du soutien à la transition démocratique, la communauté internationale n'a jamais réussi à apporter les réponses adéquates à ces enjeux de fond. Son approche fut largement segmentée (absence de vision globale), inconstante (relatif désengagement en dehors des périodes de crise médiatisées), voire superficielle. Il convient de revoir la stratégie comme les méthodes.
2) L'approche française repose sur quatre principes:
- Les frontières de la RDC sont intangibles et sa souveraineté inviolable. La France n'a jamais cessé de défendre, à titre national comme dans les enceintes multilatérales, l'intégrité territoriale de la RDC.
- Une paix durable ne peut reposer que sur des choix politiques concertés, dans le respect des souverainetés nationales. Les options militaires ne régleront jamais les causes profondes du conflit.
- Un règlement de la crise suppose une démarche globale et cohérente. Les propositions doivent être réalistes et concrètes.
- La méthode est un enjeu majeur. La concertation, le dialogue, le pragmatisme, l'expérimentation et l'appropriation par les Congolais eux-mêmes et les pays de la région sont des éléments fondamentaux.
3) Dans ce cadre, le schéma proposé comporterait deux grands axes :
a) Premier axe: Appuyer un mécanisme efficace de règlement des conflits fonciers et inter-communautaires au Nord-Kivu.
Les actes de Goma ont permis aux différents acteurs congolais d'évoquer leurs différends. Il convient aujourd'hui de les régler concrètement. Les chefs traditionnels, les Eglises et la société civile ont un rôle déterminant à jouer, avec le soutien de la communauté internationale.
b) Deuxième axe : engager les pays de la région dans une logique de coopération économique pacifique.
Dans la région des Grands Lacs, il est nécessaire de: i) casser l'économie de guerre à l'oeuvre depuis plus de 10 ans; ii) créer les conditions nécessaires pour que les acteurs aient davantage intérêt à la paix qu'à la poursuite du conflit.
Le principe de l'intangibilité des frontières n'est en rien incompatible avec une logique de développement commun. Cette démarche de long terme a déjà fait ses preuves en Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale (Communauté Economique du Charbon et de l'Acier).
L'objectif est, non pas d'engager une logique - inacceptable - d'un quelconque partage des richesses, mais de favoriser la mise en valeur du potentiel de la RDC et de la région et de développer des projets fédérateurs.
Un cadre régional existe déjà: la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL). Il s'agit non pas de le remettre en cause mais de le revivifier par la mise en place de nouveaux projets de développement concrets: - Une agence inter-étatique d'aménagement régional. Elle serait un lieu de coopération et d'échanges pour favoriser, avec l'appui des bailleurs de fonds, le développement des réseaux d'infrastructures (routes, ponts) essentiels à la croissance des échanges régionaux
Une Chambre Régionale de Commerce, d'Industrie, des Mines et d'Agriculture. Elle permettrait d'apporter plus de transparence dans la gestion globale des ressources de la région, d'organiser les filières (par exemple pour les céréales, les oléagineux et le bétail), de mobiliser les capitaux nécessaires à leur mise en valeur et de fédérer les énergies des acteurs publics et privés.
Une concertation régionale en matière règlementaire : contrôle et lutte contre la fraude, coopération douanière, mécanismes de certification, harmonisation de la fiscalité aux frontières.
- Des projets structurants à vocation régionale: il s'agirait d'investir, dans un cadre concerté, dans les domaines de l'énergie, de l'eau, de la santé, des télécommunications et de la sécurité alimentaire. Le développement du barrage de la Ruzizi ou l'exploitation du gaz du Lac Kivu est déjà au programme de la CEPGL. Mais d'autres projets, plus modestes mais réalisables à plus court terme, pourraient être envisagés, par exemple des micro-barrages (50 à 200000 dollars) dans la plaine de la Ruzizi.
Une coopération trans-nationale pour la protection du patrimoine naturel et de la faune (parc des Virunga par exemple).
Cette approche coopérative dans la gestion du développement régional irait de pair avec la réaffirmation du principe de libre-circulation des personnes, inscrite dans les statuts de la CEPGL et déjà à l'oeuvre sur le terrain.
4) Cette approche globale ne peut être qu'une oeuvre de longue haleine. Elle suppose certains préalablesà court terme :
- La réaffirmation de la souveraineté et de la pleine autorité de la RDC sur son territoire et ses richesses. - Une garantie de sécurité pour le Rwanda: c'est la question des FDLR.
- Le retour de la paix: les milices rebelles doivent déposer les armes; chaque acteur concerné doit contribuer en ce sens.
5) Plus important encore, le rétablissement de la confiance dans la région, à tous les niveaux, est un enjeu essentiel: condition d'une coopération réussie, elle est aussi un objectif-clef de la démarche proposée. Conclusions:
- La RDC est et restera le pays-pivot de la région. La paix et la stabilité dans les Grands Lacs supposent: a) la consolidation des structures étatiques congolaises et son développement économique, b) une dynamique de coopération régionale.
- L'approche française n'a pas vocation à être imposée de l'extérieur. Il appartient aux pays et aux populations de la région de se l'approprier, d'en débattre, de l'enrichir.
- La démarche se veut progressive - les progrès se feront nécessairement par étapes - et pragmatique: les projets de développement ou les logiques de concertation doivent concerner les pays qui le souhaitent et qui y trouvent un intérêt pratique: la RDC, le Rwanda, mais aussi le Burundi, l'Ouganda, la Tanzanie, etc.
- Il convient de faire émerger un consensus général: les pays de la région (gouvernements, parlements, élus locaux, société civile, populations locales), la communauté africaine et internationale, les donateurs, l'Onu, le PNUD, les institutions financières internationales doivent travailler ensemble et dans une même direction."


Alors, remède-miracle ou mirage dans un conflit dont la complexité et les agendas des protagonistes ne sont pas toujours ce qu’il y a de plus rassurant ? Mon avis personnel est que ce n’est ni l’un ni l’autre. Je crois que Sarkozy enfonce ici une porte ouverte que bien d’analystes de cette région ont depuis longtemps mise en exergue, mais que l’absence de volonté et de courage politiques ont empêché de considérer véritablement en vue d’une mise en œuvre effective : l’avenir est à l’intégration économique régionale, comme dans l’espace CEDEAO, pour ne citer que l’exemple le plus viable sur le continent, sans aller chercher l'Europe. Mais en même temps, et c’est le plus important, cette intégration doit avoir pour préalable le retour de la paix. Nicolas Sarkozy le dit certes, mais ce qu'il effleure à peine, c'est que parler du retour de la paix dans cette région, c'est exiger non seulement le renoncement par les pays africains concernés à la tentation de déstabilisation mutuelle, mais aussi, parallèlement, l'abandon par certains « parrains » occidentaux connus de tous, de ce double langage qui peine à voiler la sponsorisation par eux des combines militaro-maffieuses qu'ils font semblant de dénoncer. Qui pourrait nier le rôle néfaste joué dans cette crise par Londres et Washington (sous George W. Bush), soutiens inconditionnels de Paul Kagame ? L’idée longtemps différée d’une Conférence internationale sur la région des Grands Lacs prend ici, plus que jamais, son sens. Elle permettrait à la fois de mettre en lumière les responsabilités des acteurs officiels et occultes de ce conflit afin de dissiper l'écran de fumée qui entourre l'échiquier sous-régional, et d'intégrer dans la gestion de la problématique de la paix, plus d’un joueur qui ne se retrouve pas au sein de la CEPGL, clé de voûte du « Plan Sarkozy » - Je pense à l’Ouganda et à l'Angola, notamment.
Sur le plan technique, les pistes avancées en termes des champs et mécanismes de coopération ne manquent pas d’intérêt, mais elles ne peuvent être vues que comme des ébauches à partir desquelles les pays concernés, aidés par la communauté internationale – aux premiers rangs de laquelle les Etats Africains non impliqués dans la crise sous-régionale – pourraient définir et mettre en œuvre ce qui satisfait le mieux leurs intérêts réciproques, autrement dit ceux de leurs peuples. Si je continue à lui laisser le bénéfice du doute, je dirais que Sarkozy aura compris le bienfondé d'une approche "afrocentriste" de toute entreprise de dénouement durable de cette crise, lorsqu’il dit : « l'approche française n'a pas vocation à être imposée de l'extérieur. Il appartient aux pays et aux populations de la région de se l'approprier, d'en débattre, de l'enrichir ». Au-delà d'un possible machiavélisme du dirigeant francais qui n'a, en tout état de cause, aucune raison d'aimer l'Afrique plus que les Africains eux-mêmes, s’approprier un tel processus et a fortiori son contenu ultime, tel est le défi à relever par les classes politiques et les sociétés civiles des pays concernés. La R.D.C., pays qui a payé et qui paie encore le plus lourd tribut à ce conflit qui n'en finit pas de finir, devrait être le premier à le comprendre. Maintenant ou jamais. Et c'est le moins que l'on puisse attendre d'elle.