POURQUOI JE M'EN MÊLE ...

"NOUS SOMMES TOUS SOURDS QUAND CELA ARRANGE NOTRE BONHEUR. CELA REPOSE UN PEU DE NE PAS TOUT ENTENDRE" - Tahar Ben Jelloun

jeudi 19 mars 2009

AVEC BENOIT XVI, LE VATICAN A SA "MACHINE À GAFFES"


On connaissait Joe Biden, de son vrai nom Joseph Robinette Biden, surnommé « The gaffe machine » pour ses sorties abracadabrantesques capables de mettre dans l’embarras son propre camp politique, pour le grand bonheur des Républicains américains. Mais le Vice-Président catholique choisi par Barack Obama devra désormais compter avec « la rivalité » que lui fait un autre Joseph, en la personne du Chef de l’État du Vatican, également Guide Spirituel reputé « Infaillible » pour une Église catholique qui semble avoir tout le mal du monde à accorder sa doctrine millénaire à l’évolution d’une société post-moderne qui n’a rien à avoir avec l’époque où les Rois du vieux continent faisaient allégeance au Prince de Rome.

C’est que le successeur de Jean-Paul II, l'ancien Cardinal Joseph Ratzinger, n’a pas fini de défrayer la chronique depuis son élection au pontificat de Rome. Pour ne relever que les faits les plus saillants, on se souviendra de la polémique soulevée peu après son élection en 2005, à Ratisbonne, lors d’un discours dans lequel l’Islam aurait été présenté comme une religion intolérante et fondée sur la violence. Le tollé fut général dans le monde arabo-musulman, la cause entendue; celui que ses contempteurs avaient surnommé naguère le Panzercardinal à cause de ses origines allemandes, mais surtout de son passage dans les jeunesses hitlériennes durant la IIème Guerre Mondiale, avait dû s'expliquer, clarifier sa pensée et présenter ses excuses. Celui que d'aucuns avaient déjà désigné quelques années auparavant comme le chef de file des "théocons" (entendez théologiens conservateurs), par analogie aux "néocons", les néo-conservateurs de l'ère Bush, venait d'annoncer les couleurs de ce que serait son pontificat.

2009, rebelote ! En février, la « Williamson gate », du nom de cet évêque intégriste dont Benoït XVI a levé l'excommunication au moment même où celui-ci tenait des propos négationnistes repris par plusieurs médias à travers le monde. Si le Pape a pu ignorer la teneur des déclaration de cet Évêque sulfureux qui officiait en marge de l’Église depuis l’Argentine, personne n’a par contre compris pourquoi, malgré le tollé qui s’en est suivi, Benoît XVI a tardé à réagir. À trouver les mots justes pour expliquer qu'il condamne fermement le négationnisme, mais que son but est de rassembler son église, notamment dans une Europe où la foi chrétienne est en perte de vitesse, où la spiritualité en est réduite à sa plus simple expression. Dans une lettre adressée alors aux évêques du monde entier, Benoît XVI a préféré jouer la carte du bouc émissaire, alors même qu’en public il venait de faire ce qui aurait pu être assimilé à un mea culpa, se reprochant de n'avoir pas "suivi avec attention les informations auxquelles on peut accéder sur Internet". À ses lieutenants, il dira plutôt : "On a parfois l'impression que notre société a besoin d'un groupe (...) contre lequel on peut tranquillement se lancer avec haine", en référence aux intégristes. "Et si quelqu'un ose s'en approcher - dans le cas présent le pape - (...) il peut lui aussi être traité avec haine sans crainte ni réserve", affirmait-il. Bref, il avait « Joe-bidené », mais c’était pas sa faute, c’était les autres qui étaient ivres de haine. N'est-ce pas le degré zéro de la communication pour un personnage d'une si grande envergure ?

Toujours en février, survient le drame vécu par cette petite brésilienne de 9 ans, violée par son beau-père, qui a avorté de jumeaux alors qu'elle était enceinte de quinze semaines. L'évêque de Récife a prononcé l'excommunication de la mère de la fillette et de l'équipe médicale. Aucun blâme, en revanche, contre le violeur, qui devrait continuer à partager le « Saint Sacrement ». Le Vatican a validé, puis justifié cette accablante décision : "Il faut toujours protéger la vie". Mais sur cette affaire qui en a bouleversé plus d’un, la voix papale n’arrive pas à empêcher une vraie cacophonie au Vatican. Dans une tribune publiée dans le journal du Vatican « L'Osservatore Romano », l'archevêque Rino Fisichella, président de l'Académie pontificale pour la vie, estime pour sa part que les médecins ne méritaient pas l'excommunication car leur intention était de sauver la fillette, dont la vie était menacée selon eux par la poursuite de sa grossesse. Il le fait savoir : «Avant de penser à une excommunication, il était nécessaire et urgent de sauvegarder la vie innocente de la fillette pour la ramener à un niveau d'humanité dont nous, hommes d'Église, devrions être les experts et les maîtres», écrit Mgr Fisichella. Tout en rappelant que l'avortement est toujours une «mauvaise» chose, l'archevêque note que la proclamation publique de l'excommunication «nuit malheureusement à la crédibilité de notre enseignement, qui apparaît, aux yeux de beaucoup, comme insensible, incompréhensible et manquant de miséricorde». Mais le Pape, lui, doit penser autrement et pour quiconque en douterait, il vient de réitérer ce vendredi 20 mars, à son arrivée en Angola, deuxième étape de sa tournée africaine, « l’opposition de l’Église à l’avortement, y compris à de fins thérapeutiques ». On ne peut pas être plus clair. Je traduis donc : «Malheur aux violées, malheur aux porteuses des grossesses à hauts risques… ou plutôt, heureuses les femmes qui les subissent, car le Royaume des Cieux est à elles ». Vraiment ?

L’Afrique, donc. Nous sommes en mars, le voici qui débarque en terre d’Afrique, une terre qui constitue encore, avec l’Amérique latine, l’un des rares fronts où l’Église catholique n’a pas encore définitivement perdu la guerre de la foi. Dans l’avion qui le conduit au Cameroun, Benoît XVI déclare sans broncher qu’ « on ne peut pas régler le problème du sida avec la distribution de préservatifs. Au contraire, leur utilisation aggrave le problème.» Ces propos, prononcés à l’adresse d’un continent qui est le plus touché par la pandémie, continuent à soulever un tollé à la mesure du crédit que des milliers de croyants Africains, du haut de leur crédulité, peuvent y accorder. Politiciens, médecins et responsables d’ONG ont fermement condamné les propos du souverain pontife, jugés graves et irresponsables. Une nouvelle fois, même des Évêques catholiques prennent le risque de mécontenter leur chef et montent, à nouveau, au créneau. S'ils partagent le fond de la pensée de leur guide spirituel, en référence à la chasteté et à la fidélité dans le lien du mariage, ils considèrent cependant que les propos du pape sont de nature à faire plus de mal que de bien à des Africains totalement désarmés face au SIDA. Alain Juppé, Maire de la ville de Bordeaux et ancien Premier Ministre sous Jacques Chirac, figure parmi les personnalités politiques non-Africaines qui ont commenté les propos de Benoît XVI : "Aller dire en Afrique que le préservatif aggrave le danger du sida, c'est d'abord une contrevérité et c'est inacceptable pour les populations africaines et pour tout le monde", a-t-il déclaré lors d'une interview accordée à la Chaîne France Culture. "Ce pape commence à poser un vrai problème, je sens autour de moi un malaise profond", a ajouté M. Juppé, qui a "l'impression que le pape vit dans une situation d'autisme total". Même son de cloche du côté des associations de lutte contre la pandémie qui sur terrain, évoquent toutes les difficultés qu’elles vont devoir surmonter pour mener de coûteuses campagnes de sensibilisation afin de remettre les pendules à l’heure après les propos de celui dont chaque phrase est considérée par ses ouailles comme "parole d'Évangile", au propre comme au figuré. Surtout lorsque ces ouailles ont un niveau d'éducation aux antipodes du théologien et érudit qui leur parle du haut de sa chaire papale. J'ai envie de crier : "Au secours, Jesus! Reviens !"

BÉNOIT XVI AURAIT EXCOMMUNIÉ JÉSUS EN PERSONNE

Si je ne m’attends pas à ce qu’un pape cautionne les mœurs qui s’inscrivent en rupture avec la foi dont il est le garant spirituel, je me demande néanmoins si Benoît XVI, en raison de ce que M. Juppé qualifie d'« autisme total», n’aurait pas excommunié Jésus en personne s’il avait vécu en 2009, tellement leurs styles semblent dichotonomiques. En effet, qu'il suffise de citer l'épisode où Jésus refuse de condamner une femme adultère, qui, selon la Loi, doit être lapidée, et lance aux ultralégalistes de son époque : "Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre" (Jean, 8). Lui-même a plusieurs fois transgressé la loi religieuse lorsque les circonstances de l’espèce l’exigeaient, en particulier pour venir en aide aux malades, justement. Dostoïevski avait imaginé que si Jésus était revenu dans l'Espagne de Torquemada, il aurait été condamné au bûcher pour avoir prêché la liberté de conscience. Je me demande donc, dans l'Église de Bénoît XVI, s'il ne serait pas excommunié pour avoir prôné le dépassement de la loi par l'amour du prochain. Un disciple de loin plus zélé que son maître, un pape visiblement plus chrétien que le Christ en personne. Allez-y donc comprendre !
Ce qui est sûr, c’est que les prises de positions de ce pape qui marquera sans doute l'histoire à sa manière, qu’elles relèvent de vraies bourdes ou d’un autisme assumé au nom de la préservation d’une foi menacée autant par la modernité que par une mondialisation capitaliste jugée déshumanisante, risquent d'être autant de remèdes pires que les maux contre lesquels ils sont censés être prescrits. Pas seulement pour les Africains, mais avant tout pour une Église malade de son incapacité avérée à vivre avec son temps. À moins que le Maître ne revienne vite mettre lui-même fin à cette "sainte confusion " ?

1 commentaire:

  1. Grrrrr !!!! :o Le pape ! TSSS ! Il ne vaut pas plus cher que ces imams qui proclament des "aujourd'hui c'est le jour de la colère" dans des coins où tombent déjà des bombes tous les matins ! On fait des animations depuis des années pour sensibiliser les coins pauvres aux préservatifs, et il vient foutre le bordel avec sa foi ! GRRRRR... C'est ça qui me fait horreur dans la religion: suivre des principes sans tenir compte des changements contextuels alors qu'il est si simple d'utiliser un cerveau !!! :( Grmphf...

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